Le 28 juin 2023, la Cramif organisait une journée dédiée à la prévention des risques professionnels dans le secteur sanitaire : de nombreux professionnels du secteur hospitalier et des cliniques franciliennes étaient réunis pour échanger ensemble sur les techniques de prévention en milieux de soins.

Stéphane Da Silva — Ingénieur conseil, pilote secteur sanitaire et médico-social (SMS) — Cramif

Moi, j’ai une première question, d’abord pour Madame Tissier [0:00:03] : comment doit-on, peut-être, intégrer la prévention dans la conception, justement pour intégrer les outils d’aides techniques ? Qu’est-ce qu’on peut faire, nous, en tant que préventeurs ou vous, en tant que préventeurs, justement pour essayer d’intégrer ça dès la conception de nouveaux locaux ?

Non identifiée [0:00:33]

Oui, alors c’est vrai que quand on commence à imaginer les mesures de prévention et on se dit : « on travaille en conception », c’est vraiment la meilleure des configurations possibles. On se dit : « On a une page blanche, ça va être facile. » En fait, moi, ce que j’ai pu constater, c’est que pour pouvoir mettre en place des mesures de prévention pérennes et efficaces, il faut observer le travail et analyser le travail. Et quand on est sur un travail de conception, on est en train de se projeter sur les situations de travail. Et ce n’est pas forcément simple. Et les dirigeants en premier lieu, se disent : « Je vais faire appel à un cabinet d’architectes, ils connaissent bien, donc tout va rouler. » Et en fait, ce qui se passe, ce que j’ai pu voir, il y a des groupes de travail qui sont constitués avec des responsables de service. Mais ce que je vois, c’est qu’on ne fait pas assez participer peut-être les gens des services. Et c’est vrai que la différence entre le travail prescrit ou qu’on imagine et le travail réel, il y a souvent une différence, et que cette différence-là, elle n’est pas tellement prise en compte finalement dans ces projets de construction de nouvel établissement ou de réhabilitation d’établissement. Et donc, ça mériterait d’insister sur le fait qu’il faut faire participer les personnes dans ces groupes.
Et puis aussi, comme on est dans la projection du travail, faire intervenir un ergonome programmiste. Et ça, il ne faut pas l’oublier vraiment, que cet ergonome puisse travailler en collaboration avec l’architecte afin que vraiment, les situations de travail et toutes les composantes du travail soient intégrées. Souvent, par exemple, ce que j’ai pu constater, c’est qu’on a pensé à acheter du matériel, à mettre en place du matériel dans certains espaces. Or, l’idée de se dire que ce matériel va prendre de la place, elle n’a pas été évoquée. Et on se retrouve avec des espaces construits où il n’y a pas d’espace de stockage. Et donc, le matériel, on le retrouve dans les couloirs et ça gêne. Donc ça, ce sont des petites choses, mais c’est vrai que rien qu’avoir l’idée de se dire : « on fait appel à un ergonome », moi, j’en ai parlé à des directions qui me disent : « Un ergonome ? On n’y avait pas forcément pensé. » Or, si vous réhabilitez un espace ou si vous construisez un nouvel espace, c’est bien pour ces personnes qui travaillent dedans. Et donc, ne pas faire intervenir un ergonome, ça me paraît assez bizarre.
Et puis, il y a aussi le fait de se mettre à la page des techniques. C’est vrai que, par exemple, faire des salons pour voir les nouvelles technologies, c’est aussi intéressant parce qu’on se tient informé des techniques, ça fait partie des mesures de prévention. Par exemple, il y a des petites puces électroniques qui existent, qui peuvent se mettre sur les différents matériels. Et c’est vrai que, par exemple, les soignants, on les entend dire : « oui, je ne sais pas où est le lève-malade, le lève-mobile, je ne sais pas où tout ça ». En fait, ces petites puces, elles permettent de savoir exactement où elles sont placées via un logiciel. Et ça peut être aussi intéressant de mettre ça en place. Donc, c’est se mettre en veille. Donc ça, c’est ce que je voulais dire : faire participer les personnes qui travaillent dans les différents services et aussi prendre un ergonome programmiste lorsqu’on change une situation de travail, lorsqu’on veut l’améliorer en conception ou en rénovation.

Stéphane Da Silva

Alors, est-ce qu’il y a des questions ? Non ? Alors moi, j’ai une question là pour Monsieur Sabathé. Qu’est-ce que ça vous a apporté, vous ? Vous avez développé la mise en place d’aides techniques. Donc, vous avez parlé qu’il fallait convaincre les directions, justement, de pouvoir investir sur du matériel. Alors, comment vous vous y êtes pris pour pouvoir acheter certains équipements puisque c’est souvent l’univers de la guerre, l’argent, dans les établissements ?

Jean-Philippe Sabathé – responsable du département Prévention des risques professionnels du groupe hospitalier Paris Saint Joseph

Alors, comme la direction voulait parler argent, on a parlé argent. Il n’y a pas de tabou. Et donc, en fin de compte, on a été accompagné par l’INRS, cette fois-ci, et par l’économiste de l’INRS qui est Christian Trontin, pour faire de l’évaluation économique. Donc, on s’était portés candidats pour faire cette évaluation économique de type approche coût-bénéfice, appliquée à la démarche telle qu’elle vous a été proposée sur la prévention des TMS et la démarche de soins, appliquée à un déplacement qui était le rehaussement de patients dans le lit. Pourquoi ? Parce que c’est ce qui nous procurait le plus d’accidents du travail, tout bêtement. On était aux environs, à peu près par an, de 650 jours d’arrêts liés qu’à ce déplacement-là. Donc, au bout d’un moment, c’est le plus fréquent, c’est les déplacements dans le lit qui, souvent, sont à l’origine des AT, que ce soit le roulement latéral ou le rehaussement. Donc, on est partis de ce déplacement-là.
Et puis, on a dit : « OK, on va investir sur l’outil d’aide qui était drap de glisse » sachant que les lits étaient déjà équipés de potence, on a dit : « on va acheter des surfaces glissantes », mais dans une conjoncture qui n’était pas favorable. Quand on dit ça, de toute façon, depuis que je travaille, elle n’est jamais favorable, la conjoncture économique, mais on était déjà à peu près à cette époque-là, on était à la fin des années 2000 et l’hôpital était lourdement déficitaire. Et il fallait quand même faire passer la pilule de commander pour à peu près 20 000 € de tapis de glisse. Évidemment que ce n’était pas la priorité, mais Christian Trontin a su nous l’amener en disant : « OK, maintenant, mais comment je vais calculer le bénéfice économique pour l’entreprise ? » Et donc, on est partis sur le coût de l’accident du travail, et ça, on avait préalablement déjà travaillé avec Christian sur le sujet, tout début des années 2000. Donc, on savait combien coûtait un accident du travail lié à la manutention de personnes en secteur santé ; le coût, pareil, d’une journée d’arrêt de travail.
Et donc avec l’INRS, on a travaillé à montrer que l’introduction de cet outil d’aide permettait de supprimer l’exposition au risque ; et puis ensuite, à faire des simulations et des perspectives, par Christian Trontin, plutôt basses pour un économiste. Ils sont toujours très prudents, les économistes, en disant : « ça va potentiellement réduire, dans l’hypothèse basse de départ qui avait été prise, de 40 % les jours d’arrêt de la première année et de 60 % les jours d’arrêt à partir de l’année N+1. » Donc, on a dit : « OK, on part sur cette hypothèse. » Puis on a montré l’évaluation éco qui montrait que malgré le coût de l’investissement et le coût de la formation, le retour sur investissement se faisait dans l’année. Après, c’est un pari qui est pris. Là, on se dit : « c’est une évaluation éco, nos politiques font souvent de la perspective, un pari qu’on prend », sauf que là, on a pu le suivre. C’est ça qui est plutôt intéressant parce que maintenant, ça fait 12 ans qu’on suit cette évaluation économique.
Et si la première fois, la commande a été passée, ce qui était quand même l’enjeu, et donc la commande a bien été passée pour 12 000€ de tapis, les fois d’après, tous les ans, on a fait l’évaluation. Donc, le retour sur investissement s’est fait en quatre mois. On va aller vite dans le temps parce que le temps est compté pour tous. Donc, on va aller à la 12ème année où on évalue toujours cette même démarche de prévention et cette fois-ci, en bénéfices nets cumulés, tenant compte de l’inflation, on est à plus de 1 700 000 € de bénéfices que pour ce déplacement. Alors, c’est sûr que présentés au conseil d’administration tous les ans, là, je l’ai fait en début d’année, aux membres du conseil d’administration, les résultats, évidemment que j’ai moins de problèmes pour avoir du financement sur la prévention. À l’époque, le département Prévention des risques sur Saint Joseph, en 2006, sur la première fusion, n’existait pas. Quand je suis arrivé, j’étais seul. Et maintenant, si on va vite aussi dans le temps, entre 2006 et 2023, maintenant, nous sommes sept équivalents temps plein, à travailler à la Prévention pour un seul établissement. Je ne suis pas sûr que tout le monde ait les mêmes ressources dans tous les établissements.
Pour autant, le conseil d’administration ne me donne pas comme objectif d’aller faire de la réduction, ni par rapport à mon équipe ni par rapport aux investissements en termes de prévention. Mais il a fallu en faire cette démonstration et oui, le modèle économique et le crédit apporté aussi sans aucun doute par l’INRS ont été un élément de plus. Mais comme dirait Christian Trontin : « ne jamais se tromper ». Ce n’est pas l’évaluation économique qui fait le succès de la démarche de prévention, mais c’est bien les facteurs qu’on y met dedans, dans cette démarche de prévention, qui vont en faire évidemment la réussite.
Donc, si on ne se trompe pas sur les éléments à mettre dans notre démarche de prévention, dans ce cas-là, oui, la prévention est « économiquement rentable ». Ce qui fait qu’aujourd’hui, Saint Joseph est capable de financer des démarches de prévention absolument pas rentables. Par exemple, on finance des lunettes à la vue pour l’ensemble du personnel du bloc opératoire, pas que pour les chirurgiens, pour toutes les personnes qui gravitent autour de la table d’opération, qui ont des lunettes de vue avec correction. On finance les lunettes sécurisées à la vue sur monture faites par un opticien partenaire, avec la correction, indépendamment de la correction de la personne. Là, on sait qu’il n’y a aucun retour sur investissement possible. L’accident par exposition au sang, ça ne coûte en coût direct pas grand-chose sur le compte employeur, c’est moins de 200 €. La lunette va nous coûter un petit peu plus cher, bien moins que chez un opticien, mais reste un peu plus chère, et ça, pour tous les personnels du bloc opératoire.
Donc là, même si je réduis à zéro les AES par projection au bloc opératoire, ça, on ne reviendra jamais dans nos fonds. Mais on se dit qu’agir sur cette démarche de prévention, c’est aussi agir sur les autres risques au bloc opératoire et d’inculquer une culture de prévention au bloc et sur d’autres risques comme les chutes, les chocs. On voit un impact alors qu’en même temps, on n’a pas forcément agi par des corrections tout de suite sur ces risques-là. Ça, c’est une maturité qui fait qu’aujourd’hui, l’hôpital peut l’avoir, mais parce qu’il y a aussi ce suivi et ce volet économique qu’on a pu mettre en place par rapport à une démarche.


Non identifiée [0:11:18]


Je voudrais juste rajouter quelque chose. Moi, ma vision en tant que contrôleur de sécurité, lorsqu’un matériel coûte cher et qu’on a fait la réflexion « on ne peut pas l’acheter, ça coûte trop cher ». Moi, je demande à l’entreprise de regarder sur Net-entreprises, de regarder sur son taux de cotisation, de voir combien ont coûté ses accidents de travail et ses maladies professionnelles dans l’année. Et on se rend compte qu’effectivement, des tapis à 12 000 € par rapport à des frais de 500 000 € d’accidents de travail et de maladies professionnelles, ça fait poser des questions. Ça, ça peut être aussi un levier pour les RH ou pour les préventeurs qui veulent faire passer leur message et où on sait très bien que les directions, la partie comptable, c’est le nerf de la guerre. Voilà, il y a aussi cet argument-là sur le taux de cotisation.

Non identifié [0:12:14] – masseur kinésithérapeute, référent prévention TMS

Vous nous disiez que le nerf de la guerre, c’était l’argent. Moi, je dirais que le nerf de la guerre, c’est le temps. C’est le temps qu’on va me permettre de consacrer à la formation, de détacher tous les personnels, les fameux 100 % dont parlait Jean-Philippe, pour pouvoir participer à la formation. Moi, je rencontre beaucoup de difficultés pour pouvoir faire une formation complète sur tous les déplacements spontanés, à savoir que pour deux déplacements spontanés qui sont le rehaussement de lit et le roulement latéral, je demande trois heures, dont une heure de formation théorique. On va expliquer un petit peu, on va essayer de lutter contre les fameuses croyances et notamment, la fameuse croyance que le portage est inhérent à la fonction de soignant. Il faut arriver à les retourner dans cette heure de théorie pour dire : « non, la position du soignant, ce n’est pas une position de porteur ». Et après, on passe à la pratique. Mais deux heures de pratique pour deux déplacements spontanés, c’est très court et il en reste d’autres à voir derrière. Donc, s’il y a encore des directeurs de structure, si c’est possible, donnez-nous du temps pour nous, les formateurs. Inaudible [0:13:35] et avoir après un impact.

Non identifiée [0:13:31]

Merci beaucoup pour cette intervention. Je voulais juste intervenir par rapport à votre question et à votre remarque. Effectivement, dans ce cas de figure précis, là, il serait nécessaire, pour qu’une démarche de soins fonctionne, que le dirigeant ou le décideur soit lui-même formé à la démarche de soins et à l’accompagnement à la mobilité. Je pense qu’au-delà, effectivement, de la compréhension financière et de l’intégration de ces aspects financiers, c’est nécessaire que ce décideur intègre complètement cette démarche de soins pour que vous parliez le même discours, en fait. Votre directrice, je pense qu’après avoir été formée sur ces aspects, elle sera peut-être plus à même à vous dégager du temps en termes de ressources humaines.

Stéphane Da Silva

Est-ce qu’il y a des questions ?

Non identifiée [0:14:32]

Bonjour, une question sur les formations, ou on va dire l’accompagnement des soignants aux activités de manutention, par exemple, parce que c’est vrai, au temps 1 ou au temps 0, on peut former trois heures, etc., peut-être qu’il y a un suivi dans le temps, par exemple, un mois. Quels sont vos retours d’expérience sur cette durée-là ? Même si ça peut aller sur l’année, ça doit être cyclique. En plus, il y a peut-être du turnover, etc. Ma question, c’est : vous avez eu vos retours d’expérience, est-ce qu’un mois semble quand même une durée bien ? Ou est-ce que vous êtes plutôt à plus ?

Jean-Philippe Sabathé

Je n’ai pas trop compris la durée du un mois qui était lié à ?

Non identifiée [0:15:16]

À l’accompagnement des soignants à changer leur pratique.

Jean-Philippe Sabathé

D’accord, OK. Alors, j’aurais plutôt envie de dire, c’est plutôt au quotidien, ce qui a été dit précédemment. C’est vrai que le rôle de la personne interne, quand elle existe, évidemment, c’est plutôt de faire de la promotion. Il y a l’axe de formation et le temps qui est dédié. Dans le temps qui est dédié, il n’y a pas que le temps de formation, mais il y a ce fameux temps d’accompagnement. Comme vous le dites, c’est vrai que ce qui a été vu en salle de formation, et je dis bien « en salle de formation », pas dans un couloir entre deux sonnettes, il y a ensuite à le transposer. Pour partie, ça va être assez simple, peut-être, pour la grosse majorité des prises en charge et puis il y a des prises en charge qui vont être un peu plus complexes. Et là, le référent doit se pouvoir être présent au quotidien, auprès des équipes, pour les accompagner. Là, concrètement, si je me retrouve en difficulté pour faire un soin, je dois pouvoir faire appel à cette personne-ressource qui va venir faire l’évaluation avec moi ou avec mon collègue, les accompagner, voire, peut-être, aller chercher des équipements qu’on n’a pas parce que cette prise en charge, elle est un peu atypique, on ne l’a jamais eue et il y a besoin d’avoir, de nouveau, soit une technique ou un outil d’aide que je n’ai pas. Là, pareil, c’est du ressort de cette personne, cette personne-ressource, de pouvoir faire cette démarche. Ce qui veut dire que c’est au quotidien. C’est au quotidien et c’est dans la durée.
C’est vrai que dans notre équipe – vous avez compris, on est un peu chanceux, bien sûr – mais il y a une personne qui est un infirmier de formation, un cadre de santé, qui a intégré l’équipe il y a un peu plus d’un an. Et c’est son boulot d’être — il fait évidemment de la formation de l’ensemble des soignants du groupe, bien sûr — mais d’être aussi au quotidien sur le terrain, à accompagner, à faire évoluer les pratiques. Et on voit que, souvent, les soignants, dans un premier temps, peuvent bloquer parce que la pratique est compliquée, le soin est complexe, et de se dire que là, ils ont besoin d’une ressource. Alors, c’est sûr que quand elle n’existe pas, ça peut être le prétexte à revenir un peu à « l’ancienne pratique », à faire un peu marche arrière, d’où le fait que ce temps dédié doit être, évidemment, assez conséquent.
Pour donner un modèle, c’est vrai que c’était un modèle que j’avais, à la demande de l’ARS, donné un peu dans les bornes, mais on oubliait la fin de la phrase. C’était un 0,20 ETP pour la prévention, pour 100 lits. On oublie la fin de la phrase, très souvent. Donc si je suis un établissement, j’ai 500 lits, le temps, ressource en personne, simplement sur la prévention des TMS, je ne parle même pas des autres risques professionnels, bien évidemment, ça serait l’équivalent d’un ETP. Si on veut avoir cet accompagnement pour en avoir un bienfait, parce qu’on voit que la formation est nécessaire pour l’acquisition des connaissances qui a été transmise, mais en même temps, derrière, dans ma pratique et comment je fais évoluer mon soin, là, c’est bien de l’accompagnement au quotidien et dans la durée, et ça a envie de dire : « c’est un CDI jusqu’à la retraite, quoi ». Ça va, ils la repoussent, la retraite, donc c’est bon, on va être occupés encore pour un moment.

Non identifiée [0:18:10]

La vision selon laquelle l’aide à la manipulation des résidents, des patients, est un soin, pour qu’elle soit vraiment réussie, que ce soit un succès, encore faut-il qu’elle soit partagée parce qu’il y a quelque chose qu’on oublie, il y a les habitudes de travail, mais il y a aussi le poids du regard du collectif. Et ça, moi je l’observais dans plusieurs situations : « Pourquoi vous faites comme ça et pas autrement ? » Et là, les gens vous parlent, ils vous disent : « Je suis jeune, je ne suis pas vieille ; les aides, c’est pour les vieux ; je n’ai pas mal au dos, donc je peux le faire. » Et puis, pendant que je vais chercher un équipement pour pouvoir aider aux soins, il y a les autres qui pensent que je fais tout pour gagner un peu du temps. Donc, il y a le poids du collectif qui est très important et cette vision de « c’est un soin, manipuler les personnes, l’aide à la personne est un soin », encore faut-il que ce soit partagé par tous.

Jean-Philippe Sabathé

On ne peut aller que dans votre sens. Et ce qu’on transmet à nos référents, pareil, pendant la formation, ça va être aussi d’aller identifier quel est le leader en même temps. C’est bien que, encore, des équipes soignantes sont construites sur du collectif, qui est des fois compliqué, qui peut être dur, qui peut être réticent, qui peut être violent. Ce qui veut dire aussi que pour le référent il va falloir tout de suite agir auprès de ces personnes. Il y en a souvent des leaders, un ou plusieurs, mais souvent, ce n’est plutôt même qu’un seul, et qui va pouvoir faire aussi réussite ou pas et casser, comme vous le dites très, très bien, tous ces commentaires qui pourraient être faits. On voit que ce n’est pas parce que j’utilise un outil, oui, que je suis vieux, j’ai mal et c’est pour ça que je l’utilise, ce n’est absolument pas la porte d’entrée. Ça ne doit surtout pas être la porte d’entrée. C’est bien, au contraire, montrer son côté professionnel. Cette fois-ci, le soin nécessite, justifie d’intégrer, c’est tracé. C’est un gage de qualité, c’est un gage de sécurité pour la personne que l’on prend en charge.
Ce qui veut aussi que dans le regard, vous parlez des soignants entre eux. On a aussi en EHPAD le regard des familles, et je pense par rapport à un outil bien particulier, même si la préconisation en plus, c’est qu’on partage complètement par le réseau Prévention, c’est d’intégrer des dispositifs rail plafond dans toutes les chambres d’EHPAD. Là aussi, quel regard on peut en avoir ? On va dire que tout va dépendre, évidemment, comment le rail plafond est intégré, est-ce qu’il rentre dans une dimension du soin ? Et s’il rentre dans une dimension du soin, il doit être présenté aux familles et ce n’est pas un palan, ce n’est pas un croc de boucher, ce n’est pas tout ça. C’est, au contraire, permettre un transfert, un déplacement de votre proche en sécurité, en confort, en tenant compte de ses capacités sans lui faire prendre de risque et de pouvoir, évidemment, dans ce cas-là, contribuer à son déplacement et de ne pas le laisser dans son fauteuil pendant toute la journée ou dans son lit toute la journée. Mais pour autant, il faut aussi que l’équipement le permette et là, il y a un vrai critère de choix.
On parlait de la conception sur les types d’implantation, quel type d’implantation en termes de rail je vais mettre ? Puis, sur le choix des rails parce que là aussi, il y a dur ail, il y a de tout sur le rail et tout n’est pas forcément très positif. Et si on veut pareil que les familles adhèrent et ne le voient pas comme étant le palan qui sert à déplacer leurs proches, il faut aussi qu’on arrive à leur faire la présentation et la démonstration qu’au contraire, c’est bien un outil de soin qui est remis dans le soin et qui fait que là, pareil, ça sera bien utilisé ou intégré si c’est justifié par n’importe quel soignant. Ce n’est pas parce qu’avec Sylvie, on le fait, et avec Julie, on ne le fait pas. Non, si c’est justifié par le soin et l’évaluation qui a été faite, toute l’équipe soignante le fera de cette façon-là pour votre proche.
Donc, vous avez 100 % raison sur les représentations et les images que ça peut renvoyer et elles sont très fortes avec ces outils d’aide. Donc, c’est un vrai travail de déminage à faire et d’accompagnement. Vous avez 100 % raison.

Stéphane Da Silva

Merci beaucoup, merci aux intervenants.