Le 28 juin 2023, la Cramif organisait une journée dédiée à la prévention des risques professionnels dans le secteur sanitaire : de nombreux professionnels du secteur hospitalier et des cliniques franciliennes étaient réunis pour échanger ensemble sur les techniques de prévention en milieux de soins.
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Très bien. J’aurais peut-être une première question. Je vais commencer par madame Massip sur une première question. Un retour d’expérience, puisqu’on a quand même beaucoup aussi, on intervient énormément dans ce secteur-là. Quelle est peut-être la difficulté de faire passer les messages de prévention auprès du personnel soignant ? Quelles sont un peu les difficultés et quels sont les freins ? Pourquoi on n’arrive pas, peut-être, à inculquer une culture prévention auprès des acteurs ?
Chantal Massip – Contrôleur sécurité - Cramif
Le secteur sanitaire médico-social a la particularité, c’est que l’objet de travail, c’est du vivant, et du vivant en souffrance. Et ça, on l’oublie. Moi, je vois vraiment des structures, je travaille avec des sièges qui mettent en place des démarches qualité QVCT extraordinaires, des démarches prévention super et tout. Et quand on va sur le terrain, eh bien rien, ça ne se passe pas du tout comme ça, parce que le personnel sur le terrain, il est en contact direct avec des personnes qui sont en souffrance. Et quand vous avez un personnel qui doit faire le choix entre la qualité du soin, la qualité du service auprès du patient au détriment de sa sécurité ou bien faire passer sa sécurité en faisant passer en second plan la qualité des soins, par exemple aller chercher un équipement d’aide à la manutention, le choix est vite fait. Le choix, c’est le patient avant nous. Et ça, c’est une grosse difficulté.
Alors, moi, je m’adresse à tous les préventeurs ici qui dans votre bureau – même si vous allez sur le terrain – avez des réflexions sur comment faire passer la prévention, n’oubliez pas que ceux qui vont la mettre en place sont ceux qui seront sur le terrain. Et ça, il y a vraiment un challenge à avoir, c’est faire comprendre que pour pouvoir être bienveillant avec le patient, encore faut-il être bienveillant avec soi-même. Ce n’est pas évident, c’est un challenge et je compte sur vous.
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Une petite question, une dernière, après je vous laisse la parole. Je vous laisse préparer les questions. On a parlé de violences externes et on voulait évoquer peut-être le sujet de la violence interne qui peut exister aussi, des établissements. Comment on peut appréhender peut-être ce sujet ? Je laisse la parole à madame Leroy-Galland sur le sujet, puisque c’est vrai qu’on ne l’a pas trop évoqué. On a entendu quelques prémices.
Agnès Leroy-Galland – Contrôleur sécurité et référence secteur sanitaire et médico-social (SMS) - Cramif
Oui, bonjour à tous. Le docteur – alors que je n’écorche pas son nom – Bellahouel a quand même évoqué le fait que les risques psychosociaux étaient de plus en plus prégnants dans votre secteur d’activité. Et ce que nous, on peut constater sur le terrain, c’est qu’il y a de plus en plus de violences internes. Donc, ça se traduit par des déclarations d’accident du travail, des fiches d’événements indésirables, des alertes, notamment des élus.
Je ne vais pas vous représenter la démarche de prévention, parce que je pense que ça a été largement abordé. Madame Van de Weerdt aussi a fait le lien entre effectivement les violences externes, ça pouvait aussi découler finalement des violences internes. Si ce n’est pas bien pris en compte, forcément, ça influe sur la prise en charge du patient.
Donc, on n’arrive pas à mettre en place des mesures de prévention primaires, on est plutôt sur le secondaire, voire sur le tertiaire. Et comme l’a dit madame Massip très justement, effectivement, on est sur de l’humain. Et là, c’est compliqué de travailler sur le sujet et de faire passer des messages.
Donc, la prévention tertiaire, on est plutôt dans la réparation. Ce n’est pas qu’il ne faut pas en faire. Si les personnes bien évidemment sont vraiment en souffrance, il y a nécessité de les prendre en charge individuellement, mais il faut vraiment travailler sur le collectif.
Je vois certains établissements, maintenant ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont pris des psychologues, voire même des psychiatres sur place, mais on ne traite que l’individu quand il est vraiment en souffrance, le salarié. Et ça ne peut pas à terme fonctionner et remettre les structures en place. Il y a vraiment besoin de réfléchir et d’associer les équipes. Je pense notamment quand vous mettez en place de nouveaux flux de patients, quand on est sur tout ce qui est ambulatoire. Puisque c’est demandé par les tutelles effectivement, donc ça se développe énormément. Et donc, on met rapidement en place des nouveaux flux, etc., qui ne sont pas forcément bien pensés, qui ne sont pas adaptés aux établissements. Et là, on se retrouve avec des personnels en souffrance, avec des conflits dans les équipes. Et ça peut être dommageable pour le patient également. Donc, comme madame Massip, je vous encourage vraiment à réfléchir à ces sujets-là.
Je voulais juste préciser une dernière chose, c’est qu’au centre de consultation de pathologie professionnelle à Garches, ils sont spécialisés dans la souffrance au travail. Ils ont mis en place un dispositif spécifique dédié aux soignants qui présentent une atteinte de leur santé physique en lien avec le travail. Ça s’appelle le dispositif Étape où ils leur proposent un bilan complet sur une journée avec de possibles orientations. Voilà, merci.
Damico – Masseur kinésithérapeute et ergonome
Bonjour, je suis Madame Damico. Je suis masseur, kinésithérapeute et ergonome. Je pose une question à madame Bellil par rapport à la QVCT, où je suis convaincue que le dispositif – s’il est bien mené – sera d’une efficacité importante. Sauf que ce que je peux constater actuellement sur le terrain, c’est que beaucoup de QVCT se contentent de mesures contributives, style faire de l’activité physique – ce qui est bien, bien sûr – faire des massages, des vélos, qui font des smoothies et ne travaillent pas sur du fond et l’amélioration des conditions de travail réellement.
Alors, avez-vous premièrement prévu des contrôles pour que justement ça soit appliqué de manière efficace et qu’on travaille réellement sur les conditions de travail ? Y a-t-il un retour chez vous de ce qui est fait dans les établissements ? Et enfin, également, y a-t-il un retour au niveau justement des tutelles parce qu’une partie des conditions de travail sont liées aussi aux injonctions qui émanent des tutelles ?
À ce moment-là, je pense que comme vous le dites depuis le début, il faut être pluridisciplinaire. J’ai apprécié l’image de la pyramide, mais je pense que la pyramide, elle doit aller un petit peu plus haut aussi, dans la mesure où on a des actions possibles. Voilà, merci.
Sabrina Bellil-Moukah - Adjointe à la direction - Aract Île-de-France
Je vous remercie pour cette question. En effet, on a constaté, pas seulement nous, l’Anact-Aract, mais aussi les partenaires sociaux et tous les intervenants qui aujourd’hui travaillent sur ces questions liées à l’amélioration des conditions de travail, que dans l’intitulé QVT, les entreprises avaient tendance, ou en tout cas certaines entreprises avaient tendance à faire plutôt des actions périphériques, mais pas forcément centrées sur la question de l’amélioration des conditions de travail. Donc, même si dans l’intitulé initial qui était QVT, le travail était au centre des actions qui étaient préconisées, l’accord national interprofessionnel de 2013, qui a donc initié le terme QVT, a été revu en 2020 pour passer à QVCT pour insister auprès des entreprises sur la nécessité de questionner le travail et les conditions de réalisation de celui-ci.
Sur la thématique du contrôle, nous ne sommes pas un organisme de contrôle. Et donc, nous n’intervenons pas auprès des entreprises avec cette casquette que nous n’avons pas. Il faut se dire aussi qu’il n’y a pas de contexte réglementaire ou en tout cas d’obligation à mettre en place des actions en faveur de l’amélioration des conditions de travail, même si celles-ci sont sous-entendues par le Code du travail et toutes les actions qui incitent et qui contraignent les entreprises à agir sur la prévention des risques pros et l’amélioration des conditions de travail. Moi, je dirais que sur cette question du contrôle, il serait important de retravailler les différents référentiels qui aujourd’hui permettent de contrôler les activités de ces secteurs sanitaires et médico-sociaux. Aujourd’hui, les évaluations externes où la certification HAS met en place certaines thématiques en lien avec QVCT, mais c’est encore trop timide parce qu’il est demandé uniquement aux établissements de structurer des choses en faveur de la QVCT. Et donc, il appartient aussi aux personnes qui portent ces sujets et qui négocient au niveau des tutelles, des directions des groupes, de prendre conscience de la nécessité d’articuler l’enjeu sociétal avec les enjeux économiques et les enjeux de performance.
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Oui, bonjour. Je suis directrice d’établissements médico-sociaux et sanitaires. Je souhaiterais rebondir sur ce que vous venez de dire que la QVCT est interrogée dans le cadre des certifications et des évaluations, c’est vrai. Par contre, je trouve qu’il nous manque, enfin de mon point de vue, il y a beaucoup d’établissements qui n’ont pas de personnes chargées de la prévention, qui ont de la méthode. Et je ne trouve pas, par exemple, de plans violence de manière générale. Enfin, des outils de méthode pour nous dire comment construire ces plans de violence par exemple. Et aussi pour la QVCT, peut-être que je connais mal encore, mais je n’ai pas vu non plus un guide méthodologique pour l’écrire. Je serais intéressée d’avoir de la documentation, merci.
Sabrina Bellil-Moukah
Très bien. Vous allez retrouver de la documentation sur le site de l’Anact ou sur le site de l’Aract Île-de-France. Le réseau Anact-Aract travaille sur les questions de QVCT depuis de très longues années et accompagne le secteur sanitaire et médico-social depuis aussi plus d’une quinzaine d’années. Et donc, beaucoup de production a été diffusée : des témoignages, des web-séries, des guides, des méthodes et des outils, des retours d’expériences. Tout ça est disponible sur notre site et je pense que ça peut vous donner des idées sur la façon d’initier ces démarches dans votre structure.
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Oui, une petite question. Là, on parlait des professionnels de santé, mais effectivement dans la pyramide, on oublie quand même les instituts de formation des professionnels où effectivement on voit déjà le programme entre… parce que nous avec ma collègue, on intervient au niveau aussi bien de la formation des aides-soignantes et la formation des infirmières et on voit bien que déjà il y a un décalage entre le contenu de la formation, où la formation des aides-soignantes est un peu plus longue, parce qu’ils ont un module qu’ils appellent ergonomie. Alors bien sûr, on met de l’ergonomie à tout bout de champ qui est beaucoup plus important. Alors que les infirmières, c’est un cours, je crois, ou une demi-journée sur cette thématique. Et ça serait bien aussi que du coup, on puisse… et je rejoins tout à fait, c’est qu’à partir du moment où on est auprès de l’humain en souffrance, entre autres les étudiants. Et on sait que pendant la période Covid, les étudiants ont souffert, beaucoup sont partis, parce qu’ils n’étaient pas prêts à être confrontés à ça. Et je pense qu’aujourd’hui, ça serait bien aussi qu’on arrive à entrer dans les instituts de formation et que nos jeunes professionnels soient prêts devant toutes ces thématiques qu’on a abordées depuis ce matin.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais comment on peut faire aussi, parce qu’il y a des IFSI où on peut entrer, des IFAS et des IFSI où on peut entrer, où d’autres c’est très compliqué.
Et là en plus, il faut peut-être en profiter, comme le programme inaudible [0:13:08] pour les infirmières va changer, le programme de formation, mais je ne suis pas sûr que ce soit intégré complètement.
Amel Douadi Bellahouel – Médecin du travail et médecin urgentiste – Hôpital américain de Paris
Si je peux me permettre. C’est un point crucial que vous abordez, parce qu’effectivement nous en tant que médecins du travail, on constate quand même que nos professionnels de santé, la culture prévention n’est pas vraiment existante.
Je vais prendre un exemple sur tout ce qui est encore un peu plus rayonnement ionisant. On voit par exemple les manipulateurs radio qui, dans leur cadre de formation, donc assez sensibilisés à tout ça, maîtrisent mieux, portent parfaitement leur EPI. Et contrairement d’autres secteurs, enfin, d’autres professionnels ignorent parfois complètement. Quelle est la différence entre un dosi passif et un dosi opérationnel ?
Donc, on prend un peu plus de temps pendant les visites et on découvre. Moi, je pose souvent la question dans le cadre de mes visites sur les risques professionnels. Et on réalise parfois qu’ils ne connaissent pas ou ils ignorent la moitié ou ils connaissent sommairement certains risques. Les sensibiliser, mettre dès la formation une connaissance, une culture sur les risques professionnels, je pense que ça a vraiment du sens.
Pierre-Yves Branquart – Chargé de projets formation - INRS
Alors, ce n’est pas franchement une réponse, mais quand même le réseau Assurance Maladie - Risques professionnels, la Cnam, l’INRS, dès lors que des référentiels de formation évoluent, des référentiels métiers évoluent, eh bien, on apporte – si tant est que ce soit possible – notre contribution pour renforcer la prévention.
Et l’exemple que vous donnez dans la certification dans le diplôme de soignant est parlant. En sachant que tout n’est pas gagné, mais ça fait partie aussi de notre cheval de bataille que d’intégrer davantage la prévention dans les référentiels.
Chantal Massip
Par rapport à cette formation, il ne suffit pas que les gens soient formés pour qu’ils appliquent. Moi, je suis ergonome de formation, je suis beaucoup intervenue dans le milieu sanitaire. Et au moment où on parlait du sida et autres, il y avait des infirmières quand même qui ne prenaient pas de précautions, qui ne portaient pas de gants, elles étaient dans le déni. Le déni, ça aide aussi à travailler. On voit ça aussi dans d’autres métiers.
Et puis, nous, on voit ça aussi avec les chargés de TMS, par exemple, de prévention que l’on forme. Si sur le terrain, on ne leur donne pas le moyen de mettre en œuvre, la formation, vous avez beau être formé, mais vous ne pouvez pas l’appliquer.
Il y a aussi effectivement la question de la formation à la base des personnes. Je sais que les ergothérapeutes, maintenant, ils ont intégré tout un module de PRAP, mais encore faut-il que sur le terrain, les personnes aient le temps de pouvoir mettre en œuvre cette formation, ce qu’ils ont acquis. Donc, il y a aussi cette problématique-là.
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Je vais poser ma question, j’en profite aussi. On a parlé beaucoup de préventeurs tout à l’heure, du moins sur la première partie. Alors, est-ce que dans vos établissements ou du moins de quelle manière peut-on valoriser aussi ces préventeurs ou ces référents ?
Je vois, on demande à des personnes soignantes de prendre une casquette prévention en plus de leur activité. Certains nous disent même : « ah, mais je ne vais pas faire, c’est des heures sup, je vais faire de la prévention en plus de mon travail ». Alors, quelle forme de valorisation peut-on avoir justement sur ces personnes à qui on va demander une tâche supplémentaire dans leur temps dédié ? Est-ce que vous avez, je ne sais pas, vos retours d’expérience ou des choses qui ont été mises en place dans vos structures ? Je sais que dans certaines structures, il y a eu des systèmes de valorisation salariale qui ont été mis en place pour des assistants de prévention, etc. Je lance une question, comment arriver à valoriser cette fonction ? Allez-y.
Sabrina Bellil-Moukah
Je vais peut-être vous partager un retour d’expérience de l’époque où je travaillais à l’hôpital public et où nous avons fait un appel à volontariat pour former et identifier un référent TMS dans le cadre du dispositif porté à l’époque par la Cramif en association avec l’ARS Île-de-France.
Nous avons donc eu un seul volontaire qui était un infirmier, qui voyait réellement l’intérêt pour lui de monter en compétence sur la question de la prévention des TMS, mais aussi de sensibiliser ses collègues. Se sont très vite posées les questions du temps imparti, de la reconnaissance, que ce soit par les pairs, par le manager direct, le cadre de proximité ou même par l’institution. Donc, ça a nécessité une mise en discussion avec la DRH, le directeur des soins, la direction qualité, pour réfléchir à comment on allait aussi intégrer ce soignant et ce référent TMS dans les collectifs qui jusqu’alors échangeaient sur les questions de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
Donc, il a été décidé en partenariat avec son cadre et les différentes parties prenantes de dédier du temps à cette casquette référent TMS et de ne pas engendrer des heures supplémentaires, mais plutôt de faire sous la forme d’un test. Dans un premier temps, plutôt une journée par semaine parce qu’il était question de structurer aussi cette démarche, de proposer des formations à ses collègues soignants, etc., et puis de recalibrer et de réajuster au bout de six mois. Il a été aussi décidé de lui proposer ce que je pourrais dire une reconnaissance financière, même si elle n’était pas extrêmement significative, mais en tout cas elle avait le mérite d’exister. Et puis, je pense qu’en tout cas ce qui l’a le plus motivé, c’était la reconnaissance de ses pairs, mais aussi les moyens que nous avons mis à sa disposition, avec des temps dédiés, une salle pour pouvoir former ses collègues, l’inviter à des réunions où on parlait de la prévention, etc. Voilà un peu un exemple de modèle ou de démarche qui a pu fonctionner.
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Moi, je peux prendre la parole de médecin du travail. Si on ne donne que des sous, ça ne sert à rien. Si on ne donne pas de temps, ça ne sert à rien parce qu’à ce moment-là, c’est entre deux, etc. C’est éventuellement au détriment du collectif de travail de proximité.
Enfin, vous avez parfaitement résumé, mais on a tous connu, par exemple, pour les infirmiers qui s’occupaient de la douleur, etc., et je ne vous parle pas des infirmières hygiénistes, il y a une quinzaine… puisque je suis vieille, j’ai un peu de références, où finalement elles faisaient ça quand elles ne pouvaient pas faire autre chose et que l’accréditation arrivait dardar.
Donc, on voyait en accréditation tout le monde avec des visages absolument livides, dormant à moitié à la réunion qui s’éternisait jusqu’à 23h et/ou qui avait lieu à 6h du matin. Donc, moi, je pense qu’il faut d’abord de la clarté, c’est un mot assez simple, dans les soins en général, dans les relations humaines aussi, un peu de clarté. Donc des sous, c’est bien. Et c’est très intéressant votre témoignage de dire que finalement ce qui emportait le morceau, c’était les moyens.
Agnès Leroy-Galland
Je pense que ce qui est important aussi, c’est de légitimer auprès des équipes et que ça soit la direction qui introduise, entre guillemets. Mais oui, évidemment. Mais ce n’est pas forcément fait. Et c’est aussi une des conditions, mais là où je vous rejoins, c’est sûr que ce n’est pas suffisant simplement financièrement. La personne ne s’y retrouvera pas.
Après, le souci, c’est sa charge de travail, si elle est répartie sur d’autres personnes, comment c’est perçu ? Effectivement, ça nécessite vraiment que tout soit clair, que les choses soient clairement posées et ça facilite grandement la mise en place de la personne.
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Je vais donc poser ma question. Moi, je travaille à l’hôpital d’Antony. Je suis préventeur, je m’occupe de tout ça. Et je voulais savoir en fait l’intégration dans le document unique, l’épuisement professionnel, et notamment des risques psychosociaux, quels sont vos retours ? De quelle façon, alors que ce soit terrain ? Et après, l’intégration, document unique et Papripact. Voilà, merci beaucoup.
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Agnès, est-ce que tu as des retours ?
Agnès Leroy-Galland
Est-ce que vous pouvez repréciser la question du coup, parce que ce n’est pas très clair.
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C’est déjà votre retour d’expérience par rapport à l’épuisement professionnel, comment c’est analysé et qu’est-ce que vous avez comme plan d’action ? C’était juste ça. Donc, quel retour d’expérience dans les hôpitaux à tout ce qui est épuisement professionnel ? Est-ce que c’est analysé et qu’est-ce que vous mettez ou qu’est-ce que vous avez comme retour ou quelles actions vous mettez par rapport à ça ?
Agnès Leroy-Galland
Nous, en tant que service prévention des accidents du travail, on va potentiellement, effectivement, regarder le document unique, mais normalement ce n’est pas forcément notre priorité d’action.
Pour répondre à votre question, les RPS bien souvent sont très peu traités dans les documents uniques, voire pas traités du tout. Donc, on ne peut après qu’encourager à mettre en place des démarches. Notamment, il y a quand même tout un tas de démarches INRS. Et en fonction des retours qu’on peut avoir du terrain ou quand on participe justement à des réunions de CSE, CSSCT, etc., où là les personnes s’expriment, ça nous permet aussi d’avoir de la matière. Même si on sait bien qu’en théorie forcément, enfin, vous êtes un secteur d’activité où il y a de l’épuisement professionnel, mais on a besoin quand même d’éléments concrets. On ne peut pas partir non plus que sur ces éléments théoriques. Donc, on s’appuie sur effectivement les déclarations d’accident du travail, les discussions qu’on peut avoir avec les médecins du travail parce que ça nous arrive quand même de travailler avec les médecins du travail, les inspecteurs du travail. Enfin, on a tout un tas de canaux d’information. Et après, on demande aux directions de mettre en place des démarches de prévention, quitte à les aider au départ à les structurer. Après, on n’a pas de baguette magique malheureusement.
Amel Douadi Bellahouel
Je pourrais vous partager notre expérience. Nous, depuis 2019, on a mis en place ce qu’on appelle un observatoire des risques psychosociaux auquel assistent le représentant de l’employeur, le DRH, le secrétaire du CSE, moi-même et mon infirmière du service de prévention en santé au travail. J’avais oublié de préciser dans ma présentation qu’on est un service autonome, donc on est sur site. Et on rapporte chacun de son côté, parce que le secrétaire du CSE donc… et ils sont proches des salariés, les salariés viennent les voir pour des situations. On traite autant des situations individuelles et collectives et on essaie de se réunir et tenir ça, donc une réunion trimestrielle. On n’est pas là pour voilà.
Moi de mon côté à travers mes visites, bien sûr avec l’accord des salariés, je propose de parler de la situation, qu’elle soit individuelle ou collective. Ça dépend, parce que si c’est une situation urgente, on va faire une alerte rapidement ou on peut parfois même mettre en place un observatoire extraordinaire rapidement pour traiter une situation.
Et effectivement, ça ne résout pas tout, mais ça nous permet quand même de faire un bilan annuel sur le nombre de cas à risque psychosocial qui ont été étudiés, les différencier par catégorie. Est-ce que c’est de la violence, est-ce que c’est des conflits interprofessionnels ? Est-ce que c’est des problèmes d’effectifs qui génèrent ça ? Faire un bilan, essayer d’apporter des actions. Et puis effectivement, c’est aussi les acteurs de terrain, quelqu’un qui vous aide à mettre en place les actions qui manquent, je dirais.
On a aussi mis en place une formation déjà de tous les membres de l’observatoire, parce qu’on n’a pas forcément les mêmes niveaux de connaissances sur les risques psychosociaux, par une psychologue indépendante. Donc, on a traité avec elle quatre ou cinq. On a un peu repéré tous les risques qui reviennent le plus fréquemment. Et donc on a fait des procédures.
Par la suite, on a formé les managers de chaque service pour les sensibiliser. On voit que sur le terrain, ça ne suffit pas, parce que ça dépend. Il y a des managers qui arrivent à gérer et d’autres tout de suite reviennent vers nous ou font des déclarations d’événements indésirables alors que ça ne doit pas passer par ce circuit-là.
Donc, c’est juste un petit peu notre expérience. Ça apporte quand même quelque chose, même si ce n’est pas encore parfait. Et il faudra réfléchir aussi à peut-être former un peu plus les salariés et les sensibiliser. Donc, c’est vraiment une grosse question.
Chantal Massip
Pour compléter, ce qui est délicat avec l’épuisement professionnel, c’est nous, on l’apprend qu’il y a de l’épuisement professionnel, mais le salarié, bien souvent, il est arrêté. L’épuisement, ça vient d’un coup. Ce sont des personnes qui n’en parlent pas forcément. Et puis nous on arrive dans l’entreprise, dans la structure, et on nous dit : « non, madame untelle, elle est arrêtée ». Et bien souvent quand on en parle avec les directions, ce n’est pas facile, parce que c’est très culpabilisant. C’est-à-dire qu’à un moment donné tout le monde sait qu’on était en surcharge, tout le monde sait que madame untelle n’était pas bien, mais on est dans le déni, parce que c’est très culpabilisant. À un moment donné, ça interpelle le management, ça interpelle l’organisation du travail et le collectif du travail. Et du coup, on préfère faire l’autruche et dire : « madame untelle était fatiguée, mais elle va nous revenir ». Et puis c’est là qu’on rentre dans le processus de désinsertion professionnelle.
Je crois qu’il ne faut pas que ce soit un sujet tabou. Il ne faut pas attendre qu’il y ait des gens qui soient malades, usés pour en parler. Je pense que dès le départ, voire même c’est un peu dans l’optique de la prévention de la désinsertion professionnelle, c’est-à-dire qu’à l’embauche, il faut pouvoir en parler. C’est comme les TMS. Les TMS, vous savez, l’aide-soignante en général à 45 ans, on commence à être bien usé. Donc, il serait peut-être temps aussi, on ne va pas attendre que vous ayez 45 ans pour commencer à vous former par ailleurs.
Donc, il faut pouvoir en parler. Pour moi, ça doit faire partie de la formation aussi des infirmières, des aides-soignantes. Voilà ce qui peut vous arriver au fil des temps, n’ayez pas peur d’en parler. Et mettre en place au niveau de l’organisation du travail. Alors, il y a des structures qui mettent ça en place, les référents RPS qui sont là pour alerter et pour être à l’écoute. Il faut en parler. Il faut en parler avant et pas après quand les personnes sont en arrêt.
Sabrina Bellil-Moukah
Si je peux me permettre d’apporter un complément sur la thématique de la prévention des risques psychosociaux, peut-être de dire que l’apparition de troubles psychosociaux est souvent une résultante entre un déséquilibre entre la contribution et la rétribution. Donc, quelqu’un qui donne beaucoup de soi-même et qui s’investit énormément, notamment dans le secteur de la santé et qui en face ne voit pas forcément les rétributions sous forme de moyens mis à disposition, d’écoute, de reconnaissance tout simplement.
Et depuis que l’intégration des RPS au DU est obligatoire, on constate que les entreprises ont beaucoup de mal à travailler sur la prévention des risques psychosociaux, parce qu’au final ça embarque tellement de choses qui échappent assez souvent au préventeur ou en tout cas sur lesquelles il ne peut pas agir directement. Et ça met donc les entreprises dans des situations complexes. Et elles nous sollicitent souvent, nous, le réseau Anact-Aract pour nous questionner sur « mais comment on peut mettre, on peut analyser la thématique des risques psychosociaux qui est multifactorielle, qui renvoie à de l’organisationnel, qui renvoie à de l’individuel et du collectif, qui renvoie à plein de choses, avec une démarche classique de prévention des risques professionnels où il est question d’aller faire de manière concertée, participative, des analyses d’unité de travail ? »
Moi, je dirais que l’élément central d’une démarche de prévention des risques psychosociaux – c’est ce que je disais tout à l’heure sur la démarche QVCT – c’est de mettre en place des espaces de discussion sur le travail. C’est de partir du travail réel dans différentes unités ou de se dire : « on mène une expérimentation sur un périmètre particulier parce qu’au regard des indicateurs santé travail, des indicateurs RH, il nous semble pertinent d’agir plutôt là-bas qu’ailleurs », de mettre en place un groupe de travail, de commencer à réfléchir à dans une situation de travail donnée.
Nous assez souvent ce qu’on fait, c’est qu’on anime des espaces de discussion sur le travail avec une méthode qui s’appelle la situation problème. Chacun des volontaires vient et décrit une situation qui lui a posé problème. Et au regard de toutes ces situations, soit on décide d’une situation particulière ou d’une problématique particulière à analyser ou alors on décide de travailler sur autre chose, mais à partir de là, on décortique. On essaie ensemble d’analyser le travail et de comprendre quels sont les éléments qui aujourd’hui viennent entraver le travail, viennent créer de la sursollicitation, de l’épuisement et génèrent par la suite des pathologies qui se manifestent sur le champ psychique, physique et social.
Du coup, je pense qu’il y a aussi des petits retours d’expérience sur notre site internet et pas mal d’outils qui pourront éventuellement vous être utiles. Et je vous invite à les regarder. Je sais aussi que l’ARS Île-de-France a mis en place – et je vais faire court – sur son site internet une sorte d’espace ressource où elle met aussi en avant des outils et des actions qui sont faites dans des établissements sous forme d’expérimentation ou autre. Et je vous invite à aller consulter – pour vous enrichir – l’expérience de vos pairs.
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Si je peux me permettre d’intervenir en complément. Je suis consultante en droit social et en RH. Je crois que déjà pour les victimes de ces risques psychosociaux, c’est déjà de l’exprimer et de trouver des acteurs à côté qui vont les aider et qui vont relayer la difficulté. Et souvent l’expérience montre malheureusement, quand on parle de lutte contre la désinsertion professionnelle – j’ai participé aussi à cette démarche – c’est que ces personnes-là qui vont exprimer leur souffrance ou leur difficulté vont sauter, vont quitter à un moment donné parce qu’elles auront exprimé leur situation de harcèlement.
Et pour être formatrice, je vois que beaucoup d’acteurs, notamment les partenaires sociaux, sont demandeurs. Déjà, on pourrait dire : « les salariés ne savent pas identifier les risques psychosociaux ». Après, les partenaires sociaux ne savent pas non plus les identifier. Donc, on a de la sensibilisation, de l’information, de la formation à faire et les aider à – une fois qu’ils ont pris un peu possession de ces définitions – se les approprier pour se dire : « effectivement, on met un espace de discussion, on se réunit dans le cadre, mettons de la CSSCT sur ces situations-là et on ne fait pas seulement de l’identification, on permet aux acteurs de travailler entre eux ». Et en fait, c’est ça la difficulté, même dans les RH. Et je le sais bien, c’est difficile de dire à un DRH, à un service RH qu’il y a des risques psychosociaux.
Donc, c’est vrai que ce sont encore des mots qui sonnent mal, parce que ça signifie peut-être un échec dans l’entreprise alors que c’est un risque dont on est là pour dire qu’il doit être – dans le cadre de la prévention primaire – justement réduit. Mais je pense qu’il y a encore toute une pudeur, toute une difficulté à nommer, parce que la souffrance au travail finalement dans le Code du travail est assez récente. Ce sont les directives européennes qui nous ont aidés aussi à porter ces mots-là. Donc, c’est vrai que je pense qu’il y a un véritable travail de concertation et de dégonfler le problème pour dire : « on est là pour travailler sur la prévention et à nommer les choses, à identifier et à encourager des acteurs, des salariés », peut-être à exercer leur droit d’alerte, leur droit de retrait, à savoir ce qu’ils doivent faire et comment ils peuvent être justement accompagnés pour ne pas quitter non plus l’entreprise ou l’organisation.
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Très bien. Merci beaucoup pour cette intervention. Ce que je vous propose, c’est d’en arrêter là pour ce matin. Merci à tous nos intervenants de la matinée.