Le 28 juin 2023, la Cramif organisait une journée dédiée à la prévention des risques professionnels dans le secteur sanitaire : de nombreux professionnels du secteur hospitalier et des cliniques franciliennes étaient réunis pour échanger ensemble sur les techniques de prévention en milieux de soins.

Sabrina Bellil-Moukah - Adjointe à la direction - Aract Île-de-France

Toutes et tous, je tiens à remercier la Cramif pour cette invitation, donc avoir convié l’Aract à participer à cette journée passionnante sur la thématique de la prévention des risques professionnels. Je tiens aussi à signifier l’intérêt que je porte à ce secteur, le secteur de la santé dans lequel j’ai travaillé durant de longues années et que je continue à accompagner sur le champ de l’amélioration des conditions de travail au sein de l’Aract Île-de-France et avec le soutien de l’ARS Île-de-France.
Je n’ai pas prévu de présentation de l’Aract, donc vous connaissez peut-être l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail qui est donc une antenne régionale de l’Anact, qui est l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Et nous œuvrons au quotidien sur ces questions de qualité de vie au travail et de qualité des conditions de travail.
Je vais vous présenter succinctement, et je vais essayer de tenir le temps imparti, la démarche QVCT. Il faut que je sois vigilante aussi à appuyer sur les boutons en même temps. Cette démarche qui contribue à mailler les enjeux de santé et de qualité de vie et des conditions de travail et qui invite les entreprises à penser ensemble performances et conditions de travail.
Je vais donc vous parler de la QVCT. Qu’est-ce que c’est que la QVCT ? Pourquoi est-il intéressant, opportun, pertinent de mettre en place des démarches en faveur de l’amélioration des conditions de travail et de la qualité de vie au travail ? Comment faire de manière très brève et succincte ? Et pour finir, faire un lien ou en tout cas vous proposer une façon de faire du lien entre la prévention des risques professionnels et les démarches QVCT.
Donc, la démarche QVCT, un axe central qui est le travail. Cette démarche propose de questionner le travail pour être en capacité de le transformer. Et cela repose sur l’analyse du travail qui est fait par ceux qui le font – par les experts du travail – et la compréhension de celui-ci combinée à la capacité d’agir sur leur travail.
Donc, la démarche QVCT propose de donner aux salariés, aux agents, aux personnes qui sont sur le terrain au quotidien auprès des usagers, des patients, des résidents, la capacité de parler de ce qu’ils font, des difficultés qu’ils rencontrent, des leviers qu’ils peuvent solliciter, mais aussi leur donner la capacité d’agir sur leur travail et d’être en capacité de le transformer pour travailler dans de meilleures conditions.
Vous connaissez toutes et tous la rosace QVCT qui a déjà été présentée ce matin par les intervenants du début de la matinée. La démarche qualité de vie au travail propose de travailler autour de différentes thématiques sur les sujets qui aujourd’hui représentent un enjeu pour l’entreprise et les salariés, et en particulier l’accompagnement des différentes transitions que vos établissements vivent ou subissent depuis quelques années et qui ont été renforcées malheureusement par la crise sanitaire à laquelle nous avons fait face. Cette démarche QVCT implique de traiter progressivement six thématiques qui sont fortement imbriquées ou connectées entre elles.
Cette démarche propose de questionner ces différentes thématiques de manière systémique, donc en commençant par la santé au travail parce que c’est le sujet de cette journée, mais aussi les dimensions liées au dialogue professionnel et au dialogue social, les dimensions liées au contenu du travail et aux conditions de réalisation de celui-ci, mais aussi les thématiques des compétences qu’il est nécessaire de mobiliser pour mener à bien sa mission ou pour faire correctement son travail, les thématiques des parcours professionnels liées à une problématique de santé ou juste dans une optique de développement des compétences et de développement des personnes, et bien sûr des thématiques liées au projet de l’entreprise et au management. Sachant que le manager – et ça a été rappelé depuis ce matin – est un acteur pivot dans ces démarches d’amélioration des conditions de travail.
Choisir une entrée par la qualité de vie et les conditions de travail, c’est choisir une entrée centrée sur le travail. C’est engager une démarche pérenne dans le temps, mais c’est aussi choisir de parler de la qualité du travail dans une perspective de performance globale. Car agir sur l’amélioration des conditions de travail et de la qualité de vie au travail, donc agir sur la performance sociale de vos structures va augmenter – et ça vous le savez tous – la performance opérationnelle, donc la qualité et la sécurité des soins, et va participer à la performance économique de vos structures.
Donc, c’est un cercle vertueux par lequel la démarche QVCT vous propose d’entrer et d’agir en premier lieu sur la performance sociale, en améliorant les conditions de travail et les conditions de vie au travail de vos salariés, pour atteindre une performance globale de vos structures.
Pourquoi mettre en place des démarches QVCT ? Quel est l’intérêt pour vous et pour vos salariés ? La démarche qualité de vie et conditions de travail permet ou en tout cas propose une façon d’articuler les différents champs pour passer d’une logique d’empilement d’actions, avec des préventeurs qui sont sur la question de la prévention, des RH qui sont sur la question des parcours, des qualiticiens qui sont sur la question des procédures, et de mettre toutes ces personnes dans un même espace de discussion pour agir ensemble de manière coordonnée sur le travail, ses conditions de réalisation et ce qui produit autant pour le salarié que pour le bénéficiaire qui sont donc vos usagers.
Cette démarche favorise le maintien de l’engagement au travail des personnels et permet de répondre aux enjeux d’attractivité. Elle permet aussi de répondre à des problématiques que vous rencontrez souvent dans vos structures : le turnover, l’absentéisme, des problématiques liées à la santé, au maintien en emploi. Et enfin, elle peut être mobilisée pour accompagner les différentes mutations qui sont aujourd’hui à l’œuvre, que ce soit sur le champ du numérique, sur le champ réglementaire, sur le champ de la transition écologique, en pensant ensemble performance et conditions de travail.
Comment mettre en place une démarche en faveur de l’amélioration des conditions de travail et de la qualité de vie au travail ? Ce qui singularise cette démarche, c’est qu’elle repose sur la constitution d’un nouveau système d’acteurs. On regroupe des personnes qui jusqu’à présent n’avaient pas forcément d’espace dans lequel il est possible pour eux de discuter et de faire converger leurs actions sur les thématiques du travail et de pouvoir donc construire ce travail pluridisciplinaire, participatif et concerté en associant tant les représentants des directions que les représentants du personnel, donc les instances représentatives du personnel, mais aussi les acteurs de terrain et donc les personnes qui sont à l’œuvre tous les jours dans les différents services.
Cette constitution de cette nouvelle communauté d’acteurs se fait dans l’étape une qui est l’étape de cadrage, qui est l’étape qu’on retrouve dans toutes les démarches projets.
Une fois que vous avez constitué vos acteurs, vous allez initier une deuxième étape qui est celle du diagnostic ou de l’état des lieux partagés, où là il sera question de mettre en place des espaces institutionnalisés pour que ces acteurs puissent parler du travail, puissent comprendre collectivement ce qui dysfonctionne, ce qui ne va pas bien, ce qui va bien pour pouvoir le mettre en avant et le partager aussi, et de pouvoir hiérarchiser vos plans d’action ou identifier des thématiques de travail qui semblent être prioritaires. Et donc dans cette deuxième étape, il est proposé d’articuler le dialogue professionnel et le dialogue social dans un objectif de coconstruction d’axes de travail prioritaires.
La troisième étape de cette démarche est celle de l’expérimentation, où là il est question, une fois qu’on a proposé des actions d’amélioration, d’aller les tester sur le terrain en mode essai-erreur où on va confronter ce qui a été proposé au réel de l’activité, avec tout son lot d’imprévus et de choses qu’on ne peut pas anticiper quand on rédige une procédure ou quand on établit ou on propose une façon de travailler.
Après cette étape d’expérimentation qui permet aussi d’ancrer réellement la démarche QVCT auprès du terrain, parce que vous ne pourrez pas embarquer dans vos espaces de discussion sur le travail l’intégralité de vos salariés. Vous allez mobiliser des personnes qui sont volontaires et qui ont envie de participer à une démarche d’amélioration des conditions de travail en lien avec une thématique particulière, qui peut être l’attractivité ou la prévention des violences ou autre.
Et quand vous allez arriver à la phase où vous allez tester sur le terrain les propositions d’amélioration, vous allez pouvoir embarquer les autres personnes qui n’étaient pas encore dans la dynamique ou dans la démarche.
Il y a un système un peu itératif entre la troisième et la quatrième étape. Une fois que vous avez testé les propositions d’amélioration, qu’elles ont été validées collectivement, elles peuvent être pérennisées et auquel cas renforcées, appuyées, institutionnalisées et transférées dans d’autres services, par exemple. Mais il peut aussi arriver que les propositions qui ont été faites initialement ne correspondent pas réellement, ne permettent pas de lever la problématique ou créent de nouvelles problématiques qui n’ont pas été anticipées ou se confrontent à des problématiques organisationnelles qui ne permettent pas la mise en place de ces actions d’amélioration. Auquel cas, on revient en arrière, on remet tout ça en discussion et on reteste de nouvelles choses.
C’est une démarche qui prend du temps, certes, comme les démarches de prévention primaire, parce que ça nécessite de prendre le temps d’analyser le travail, de discuter, mais ce sont des méthodes qui donnent vraiment des résultats très satisfaisants.
En résumé, l’approche QVCT propose de mettre en place un nouveau système d’action et un nouveau système d’acteurs dans un contexte où les enjeux de l’emploi aujourd’hui pourraient faire oublier cette dimension conditions de travail. Et cette démarche QVCT permet de ne plus opposer, en tout cas propose de ne plus opposer les enjeux sociétaux, économiques et opérationnels. Quand on gère une structure, on est souvent confronté à la nécessité, peut-être, de devoir hiérarchiser les enjeux. Est-ce que je privilégie d’abord la performance opérationnelle, donc la qualité des soins ? Après, je vais aller regarder mon équilibre financier. Et puis après, je vais m’intéresser aux conditions de travail et à la thématique de la prévention des risques. Cette démarche propose de ne pas hiérarchiser ces enjeux et de les travailler de manière combinée.
La mise en place de démarches QVCT suppose plusieurs conditions. Je ne vais pas toutes les citer, je vais insister sur trois conditions qui me semblent être les plus importantes.
En tout cas, plusieurs intervenants ont déjà insisté sur le fait qu’il était nécessaire d’avoir une politique en faveur de ces démarches, un appui des directions, un portage institutionnel de ces démarches pour qu’elles puissent se mettre en place et qu’elles puissent être pérennes dans le temps.
Mais il est nécessaire aussi d’accepter des changements de pratiques et des changements de postures. Donner la capacité aux salariés de s’exprimer et d’agir sur leur travail, c’est aussi accepter de leur donner une certaine autonomie. Accepter de mettre en place ce qu’ils proposent, de tester. Donc ça nécessite un petit changement de paradigme quelquefois et c’est une condition assez importante.
Il est nécessaire aussi de garder une connexion forte entre l’existant et la stratégie de l’entreprise, nourrir les réflexions stratégiques avec le réel de l’activité et ne pas les dissocier parce qu’après on se retrouve dans des situations où on doit récupérer les incidences de ces stratégies ou de ces projets qui sont menés sur les salariés et leurs conditions de travail.
Et pour finir, c’est d’accepter le droit à l’erreur et le pas-à-pas, prendre le temps de faire les choses et se donner le droit d’échouer ou de faire des erreurs et de se dire : « on revient, on remet tout ça en discussion et on réessaye d’autres choses jusqu’à stabiliser un modèle qui puisse fonctionner dans le temps ».
Pour finir, pour aller de la prévention des risques professionnels à la QVCT, j’ai repris un petit modèle, le modèle des étapes de la prévention des risques pros. Et ce que je vous propose c’est de vous appuyer sur les résultats de l’évaluation des risques professionnels et le Papripact bien sûr, dans lequel on trouve le « ACT » de l’amélioration des conditions de travail pour initier une démarche QVCT qui repose sur les fondamentaux que je vous ai présentés juste avant et qui est l’analyse du travail et sa transformation.
C’est de partir de ce plan d’action et de mobiliser les espaces de discussion sur le travail et l’expérimentation ou le mode essai-erreur pour mettre en place vos actions d’amélioration qui sont déjà prévues dans votre Papripact de manière concertée et coconstruite. Et c’est enfin de voir cette obligation réglementaire qui pèse sur l’évaluation des risques professionnels comme une opportunité pour allier amélioration des conditions de travail et performance de vos structures. Je vous remercie. J’ai inaudible [0:14:48] le temps ?

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C’est parfait, merci beaucoup. J’invite monsieur Branquart de l’INRS chargé du projet formation qui va nous évoquer les formations des dirigeants et des salariés, donc une nécessité pour agir en faveur de la prévention.

Pierre-Yves Branquart – Chargé de projet formation – INRS

Bonjour à tous. Je suis Pierre-Yves Branquart, chargé de projet à l’INRS en charge de développement de dispositifs de formation qui sont orientés spécifiquement par secteur d’activité. Et il en est un qui est orienté spécifiquement sur le secteur sanitaire et médico-social.
Alors, je vous propose cette petite affiche pour introduire le sujet de la formation consacrée à la prévention en observant que finalement cette formation consacrée à la prévention, elle concerne tous les niveaux de cette pyramide. Parce qu’on peut en effet relever rapidement que la prévention est présente dans chacun de ces niveaux.
Très succinctement, si on se réfère à la partie basse de la pyramide, la prévention fait partie des tâches que l’on réalise au quotidien pour se prémunir des risques auxquels on est exposé.
Si on monte un petit peu sur cette pyramide, eh bien, la prévention fait partie des activités que l’on a à gérer, que l’on a à organiser, que l’on a à manager en tenant compte de la sécurité qui s’impose dans les tâches que l’on confie.
Et puis si on monte bien sûr au sommet de la pyramide, on y retrouve le chef d’établissement qui lui – de par ses responsabilités – en est responsable et garant de la sécurité de santé au travail et impulse, engage les démarches de prévention dans son établissement.
Pour résumer, c’était mon intro pour vous dire que finalement la formation, elle peut être destinée et être utile à tous les niveaux de la pyramide.
Alors, pour avancer et puis préciser un petit peu les apports que ces formations peuvent apporter potentiellement, c’est sans doute impartial de ma part, mais je vais me focaliser sur l’offre de formation qui a été développée par le réseau qui est constitué d’une part de l’INRS et d’autre part par la Cnam et l’ensemble des caisses de sécurité sociale en région, dont la Cramif ici à Paris. Il s’agit d’une offre de formation qui répond spécifiquement, en tout cas c’est son ambition de répondre spécifiquement aux besoins des établissements du secteur sanitaire et médico-social.
Alors historiquement, on a commencé par cibler les EHPAD de par ce dispositif. Et progressivement, on s’oriente sur les hôpitaux et cliniques et donc l’ensemble des établissements de soins.
Alors, deux mots du point de vue de la logistique de ces formations. Il s’agit en fait de formations qui sont développées par le réseau, je viens de vous le dire. Et elles sont relayées par des organismes de formation qui sont habilités pour dispenser ces formations. Et parler de la formation interne dans les établissements de soins, certains établissements sont même habilités pour les dispenser dans le cadre des formations internes.
Toujours pour préciser le déploiement et la logistique qui tournent autour de ce déploiement. Les formateurs qui sont chargés, qui sont missionnés pour dispenser ces formations, ce sont des formateurs, voire même des formateurs de formateurs en fonction des dispositifs, qui sont formés et certifiés à l’INRS. Et pour avancer un petit peu aussi dans les précisions, de préciser que les formateurs sont en général des soignants avec une expérience dans le domaine de la formation et de la prévention.
Les objectifs ou les grands objectifs de ces formations qui ont été développées spécifiquement pour les établissements de soins. Alors premièrement, favoriser l’intégration de la prévention dans la gestion, l’organisation et le management des activités et des projets. Donc, ce n’est pas seulement s’intégrer dans les activités, mais aussi envisager – et on a parlé dans les présentations précédentes de projets – d’intégrer la prévention dans les projets pour cibler plutôt le haut de la pyramide. Et pour revenir sur la partie basse de la pyramide, eh bien, de concerner, d’intégrer la prévention dans l’ensemble des tâches de chacun. C’est-à-dire d’être en capacité d’analyser, d’observer, de repérer les risques auxquels on est exposé pour pouvoir s’en prémunir.
Deuxième grand axe de ces formations, c’est d’apporter de la méthode, puisque la prévention c’est d’abord une compétence opérationnelle. La prévention, ce n’est pas de la théorie. Et donc la formation, elle peut aider – et c’est l’une des ambitions de ces formations – à structurer une démarche de prévention, une démarche globale, mobilisatrice, pérenne, qui prend en compte l’ensemble des activités d’un établissement et mener à bien des actions.
Troisième axe de ces formations, c’est d’apporter, en tout cas, tenter d’aider, apporter des compétences pour mener à bien des projets spécifiques de prévention. Donc apporter de la méthode, la méthodo de projet, apporter des outils qui sont d’ailleurs spécifiquement développés dans le secteur sanitaire et médico-social, de s’appuyer sur les recommandations et les bonnes pratiques.
Alors, les acteurs qui sont ciblés dans ces dispositifs. On retrouve en toile de fond la pyramide, mais précisément de la formation qui s’adresse aux dirigeants, de la formation qui s’adresse à des personnes qui sont affectées à des missions de prévention – souvent d’ailleurs de l’encadrement – et l’ensemble des personnes qui constituent un établissement, les soignants, et l’ensemble des activités de support, dont on retrouve quelques exemples dans la maintenance, la restauration, la lingerie ou encore la logistique.
Le dispositif, vous le retrouvez ici sur ce petit schéma où on retrouve l’ensemble des acteurs cités. Et pour chacun des acteurs, une formation qui a été spécifiquement développée pour le dirigeant, pour l’animateur prévention, en précisant ici que les deux formations sont associées. Et pour parler du niveau de soignants et l’ensemble des personnels des activités support, une formation d’acteurs à la prévention des risques liés à l’activité physique dans le secteur sanitaire et médico-social en précisant que pour certaines d’entre elles, elles font l’objet d’une certification qui est délivrée par l’Assurance Maladie - Risques professionnels et l’INRS, et j’ai nommé précisément les certificats d’animateur prévention APSMS et les acteurs PRAP 2S que vous connaissez sans doute. Alors, en tout cas dans les précédentes présentations, on a évoqué la mission en tout cas, la certification d’animateur prévention. Chez Ramsay, je pense qu’on fait référence à ces formations.
Alors, si je décris chacune de ces formations succinctement, à commencer par la formation PRAP 2S. D’abord, la formation d’acteurs PRAP 2S est une formation d’acteurs. L’acteur PRAP 2S est acteur dans la démarche de prévention de l’établissement, et c’est important. L’acteur PRAP 2S est en premier lieu formé pour ça.
Deuxièmement, l’acteur PRAP 2S de par sa formation développe des capacités d’observation, d’analyse, qui sont mises en pratique durant la formation dans l’optique de repérer des risques pour s’en prémunir et également être force de proposition dans cette démarche de prévention, étant entendu qu’une démarche de prévention est mobilisatrice et s’appuie sur ces acteurs.
Et dernièrement, la formation cible l’accompagnement de la mobilité des patients. Alors, on parle de démarche ALM, accompagner la mobilité de la personne aidée en prenant soin de l’autre et de soi. Dans l’optique pour le soignant de ne pas porter ou de limiter les contraintes physiques délétères. Et dans l’optique aussi pour le patient de s’appuyer sur ses capacités à se mouvoir de lui-même, donc à hauteur de ses capacités. Ce qui lui est d’ailleurs favorable pour le maintien de son autonomie et qui lui est également favorable pour son bien-être.
Les formations sectorielles SMS, en l’occurrence les formations dirigeants et animateurs proposées. Ce sont des formations qui – et c’est important – sont des formations actions. C’est-à-dire que si je caricature un petit peu, on fait en même temps qu’on apprend et on fait dans l’établissement. Ces formations, elles sont organisées justement pour qu’elles soient très opérationnelles. Elles sont organisées en parcours, avec de la formation en salle, avec des travaux applicatifs qui correspondent aux problématiques identifiées dans les établissements. Et elles font l’objet aussi d’un accompagnement de la part du formateur. Donc, on met le paquet sur ces formations pour qu’il y ait à la fois de l’apport de méthodes, de l’apport d’outils et que l’ensemble soit réellement mis en application dans les établissements avec un renforcement apporté par de l’accompagnement.
Les apports de ces formations, si je les reprends, c’est, d’abord en direction ou principalement en direction de l’animateur, des capacités d’analyse pour prévenir les risques professionnels dans l’ensemble des activités dans l’établissement, et plus particulièrement de manière plus approfondie pour la prévention des TMS. En tout cas, les formations, elles sont formatées de cette façon. Ces formations, elles apportent des compétences pour structurer une démarche de prévention globale, mobilisatrice, parce qu’on a vu dans la pyramide que les différents niveaux sont impliqués. Elles s’appuient sur les acteurs, les acteurs PRAP 2S, s’il y en a. Elles s’appuient sur l’animateur qui est formé, de façon pérenne, dans le cadre d’une démarche qui puisse viser l’amélioration continue de la prévention.
Deuxième grande thématique, la conception, le cadrage, la mise en œuvre de tout projet de prévention avec de l’apport de méthodes qui trouvent un terrain d’application sur une problématique identifiée en l’établissement qui puisse correspondre, suivant le cas, à un projet de prévention des TMS, en lien ou pas d’ailleurs aux programmes nationaux du réseau. On a cité aussi dans les présentations précédentes TMS pro.
Ces formations apportent des compétences pour mener à bien de tels projets ou pour mener à bien des projets de périmètre plus restreint, comme par exemple l’intégration de la démarche ALM dans l’ensemble des activités de soins. Étant entendu que pour intégrer une telle démarche, on a besoin d’analyser les activités, analyser les besoins, identifier les freins, les lever pour qu’une telle démarche puisse être mise en œuvre quel que soit l’environnement et aussi quelles que soient les circonstances.
D’autres problématiques sont prises en compte, en considération, selon les cas dans les différents établissements et cela peut traiter – même si c’est plus rare jusqu’à présent – de thématiques qui traitent plus spécifiquement des risques bien identifiés dans les établissements de soins. On a évoqué aussi dans les présentations précédentes le risque chimique, le risque biologique, les rayonnements ionisants, etc.
Voilà pour cette présentation. Et si vous avez besoin naturellement de renseignements complémentaires, parce que je vous ai fait envie et que vous avez besoin de plus de précisions, vous pouvez aller rechercher les informations complémentaires sur un bon site que vous connaissez. Je commence par celui-là, le site de l’INRS, avec une partie qui est consacrée aux formations confiées à des organismes habilités et puis le site de la Cramif qui reprend l’ensemble des formations relayées. Je vous remercie.

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Merci beaucoup. Sur la prochaine intervention, on va demander au docteur Douadi Bellahouel qui est médecin du travail et médecin urgentiste à l’hôpital américain de Paris, qui va nous donner une vision d’un médecin du travail sur les professionnels de la santé pour la réussite d’une démarche de prévention.

Amel Douadi Bellahouel – Médecin du travail et médecin urgentiste – Hôpital américain de Paris

Merci. Bonjour à tous. Je remercie les organisateurs de m’avoir invitée à cette journée. Vous le verrez à travers ma présentation, je vais essentiellement partager l’expérience de terrain.
Il y a beaucoup de choses qui ont été dites ce matin. Je n’ai pas fait de présentation sur l’hôpital américain, c’est un établissement privé avec MCO, donc médecine, chirurgie, obstétrique. Notre spécificité, c’est d’avoir des salariés de droits privés qui dépendent du régime général et des médecins qui sont libéraux, donc chefs d’entreprise, ce qui rend parfois les choses un peu plus complexes dans le suivi et dans la prévention.
En introduction, comment parler d’un point de vue du médecin du travail, parce que c’est vrai, il y a les préventeurs, on a vu qu’il y a différents acteurs. Et comment coordonner tout ça ? Ce n’est pas facile.
Moi, je voulais vous parler un petit peu de mon expérience de terrain. Là, c’est un peu général. Comment déployer un programme de prévention ? On en a parlé beaucoup ce matin. C’est une démarche longue parfois, qui nécessite l’aide et la contribution de plusieurs acteurs et je dirais d’acteurs formés surtout, et surtout l’engagement de nos directions. Ça, c’est un point clé. Donc les moyens, les acteurs clés, si on ne les a pas, c’est difficile de faire avancer une démarche de prévention.
Les professionnels de santé. Comme vous le savez, dans leur exercice, ils cumulent des polyexpositions, donc plusieurs risques professionnels à la fois. C’est rare qu’il y ait un seul risque. Ils relèvent d’un suivi individuel renforcé, avec une périodicité de tous les deux ans, parfois tous les ans. Ça reste une catégorie très minime de salariés exposés aux rayonnements ionisants de catégorie A, mais ça reste très rare. C’est plutôt certains médecins qui sont exposés, notamment interventionnels ou cardiologues.
Le médecin du travail. Son rôle, c’est de coordonner, d’animer une équipe pluridisciplinaire, s’il a la chance, je dirais, de l’avoir sur place, ce qui n’est pas parfois le cas. On a vu ce matin. Ce qui est riche dans cette journée, c’est de voir un petit peu les moyens, enfin, chaque établissement partageait en même temps les difficultés et les réussites de chaque établissement, de ses acteurs. C’est ça qui nous permet parfois d’avancer. Et quand on est seul et on n’a pas les acteurs, c’est parfois difficile de faire avancer des démarches.
Le médecin du travail, comme il coordonne cette équipe pluridisciplinaire, s’il a la chance de s’appuyer sur des membres de son équipe que ce soit ergonome, psychologue, préventeur, tout ça, il a, par son rôle de terrain, un rôle primordial, il connaît les postes de travail. Vous savez que notre temps est partagé, ce qu’on appelle en AMT, des actions en milieu de travail. Donc, ça nous permet de connaître un petit peu les postes, les tâches, à travers d’une part nos visites et nos visites donc des services, des lieux de travail. Et Dieu sait qu’on découvre parfois des risques à travers que ce soit les visites et surtout les visites de terrain sur les tâches, les pratiques et notamment les risques auxquels exposer les salariés qu’on n’a pas forcément sur le document unique ou sur ce qui est présenté lors de la visite.
Les établissements sanitaires, ça a été dit ce matin. Et dans le milieu médico-social, c’est des secteurs avec des indices de sinistralité et d’accidents de travail, maladies professionnelles assez élevés, les TMS en première cause. Donc, c’est la première cause d’arrêt de travail et d’inaptitude médicale qui pour nous médecins du travail, entre guillemets, est un échec. Donc, on n’a pas réussi notre mission de maintien dans l’emploi. Parfois, on n’a pas assez de marge de manœuvre pour reclasser le personnel. Ce n’est pas toujours facile au quotidien. Et pour autant, il y a des risques professionnels qui existent, comme je vous l’ai dit au début, cette polyexposition, que ce soit du risque biologique, chimique, les rythmes de travail alternant de nuit ou les rythmes décalés, les rayonnements ionisants, le travail de nuit dans les rythmes de travail et les RPS qui deviennent quand même une problématique assez importante dans nos pratiques au quotidien, d’où s’interroger sur l’organisation du travail.
Donc, une démarche d’évaluation des risques liée à une exposition professionnelle. Je ne vais pas le redire, ça a été dit déjà en début de matinée plusieurs fois. C’est une démarche globale qui doit intégrer à la fois des objectifs de qualité de prise en charge, parce qu’on a les patients au milieu. On a la qualité des soins qu’on va donner et, bien sûr, la protection de nos professionnels de santé. Et on s’intéresse autant à leur santé physique que mentale.
Donc, l’approche du risque lié à toute exposition, elle va s’apprécier sur plusieurs critères. Comme vous le savez, ça a été un petit peu dit ce matin, s’appuyer sur des grilles d’analyse, l’INRS qui a effectivement un outil très enrichissant au quotidien pour nos pratiques. Analyser également les différentes tâches, toute situation de travail rencontrée, les autres facteurs qui sont à prendre en compte. Vous en avez parlé dans le cadre de la formation. Comparer aux évaluations qui ont été faites des mêmes risques dans les mêmes situations de travail. Donc, c’est tout ça qui nous enrichit pour avancer sur une démarche de prévention.
L’objectif. Bien sûr après une phase d’identification, d’analyse, puis d’évaluation du risque, c’est de mettre un traitement, un plan d’action. Et effectivement, la prévention ne se fait pas au fait d’identifier et de coter les risques. Ça, c’est bien au début, mais il faut qu’on arrive petit à petit à une finalité et de déboucher sur des actions concrètes et adaptées avec la prévention primaire. Malheureusement, aujourd’hui, on est beaucoup dans le tertiaire ou le secondaire. Et c’est vrai qu’avoir comme fil rouge la prévention primaire, on serait beaucoup plus efficaces pour protéger nos professionnels de santé. Et toujours avec un objectif d’aider à supprimer ou réduire au niveau le plus bas les risques professionnels auxquels sont rencontrés nos professionnels de santé. Et la crise Covid nous a appris beaucoup de choses. On a stoppé peut-être aussi nos projets de prévention à un moment où on a été beaucoup focalisés sur la gestion du Covid, nos soignants, le manque de personnel qui a été une grosse préoccupation de nos directions. Je pense que tout le monde est concerné par ça. Mais aujourd’hui, on reprend nos sujets de prévention, nos démarches pour essayer d’avancer.
Je voulais vous faire un retour d’expérience de terrain. C’est un petit peu ma vision de ce que j’ai vécu pour mettre en place une prévention, quelle qu’elle soit, quel que soit le risque en question. Dans notre établissement, dans le cadre de la prévention du risque chimique de notre personnel soignant qui est exposé au formaldéhyde qui est un CMR. J’avais identifié cette problématique en 2019, comme quoi, parfois, c’est à travers une visite d’une secrétaire qui est censée ne pas être du tout confronté au risque chimique. Et à travers les visites, du coup, vous apprenez qu’elle vous parle de formol, manipuler du formol et tout ça. Vous dites : « bon, il y a un problème, il faut que j’aille voir un peu le terrain, identifier un petit peu les choses ». Et de là a découlé un gros travail au sein de notre laboratoire d’anatomopathologie.
Je vois que cet après-midi, sur le programme, il y a pas mal d’équipes qui présentent ça, donc je ne vais pas le détailler, mais je voulais en parler de manière générale. Nous, on est concernés sur le bloc opératoire, les secteurs interventionnels, donc tout ce qui est endoscopie et tout ça, et d’autres petits sites de consultation externe où il y a des biopsies, donc il y a aussi de la manipulation de formol.
Et au début de la démarche, effectivement, on a été confrontés à l’absence de ressources – comme je l’ai dit au début – de terrain disponibles pour aider à initier, à mettre en place cette démarche et faire avancer le service de prévention santé au travail qui s’est trouvé démuni. À un moment, on se dit : « bon, on est découragés, comment faire pour avancer », mais on a envie quand même d’avancer parce qu’on est conscients de la situation.
Et je voulais remercier la Cramif, parce que je me suis appuyée sur la Cramif dans le cadre du programme de prévention risque chimique pro. Donc, ce n’est pas un frein, c’est noté, mais c’était l’appui. Je le montrerai dans les leviers sur cette diapo. On a pu mettre petit à petit cette démarche avec l’engagement de notre direction pour la démarche, avec compréhension de l’enjeu, l’exposition de nos professionnels. On a réussi à mobiliser quelques ressources, même si on attend encore plus de choses aujourd’hui sur les différentes étapes. On a eu quand même à refaire tout un laboratoire d’anapath, tout en entier que ce soit au niveau ventilation, sensibiliser, former le personnel, acquérir du matériel en vase clos, des flacons sécurisés. Ça a été un travail lent, mais qui est en train d’aboutir. On finalise très prochainement cette démarche.
Et effectivement, pour dire que la présence, quand on n’a pas d’acteurs, on n’a pas la chance d’avoir des acteurs de terrain ou de préventeurs sur qui s’appuyer, si le médecin du travail se décourage… En fait, sa présence sur le terrain, même si parfois il a effectivement d’autres missions et de dire : « bon, là, je ne peux pas y aller ». Donc, c’est être là, tenace, et suivre cette démarche. Ça permet de coordonner et d’avancer sur les différentes actions pour arriver à protéger nos professionnels de santé, dont on a vraiment besoin au quotidien. Je vous remercie de votre attention.

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Merci pour votre intervention. Je vais donc demander à madame Van de Weerdt qui est psychologue et ergonome à l’INRS, qui va nous parler de violences externes aux urgences, des clés pour les repérer et agir.

Corinne Van de Weerdt – Psychologue et ergonome – INRS

Bonjour à toutes et à tous. Merci à la Cramif de m’avoir invitée. Je vous propose de voir un travail qui a été réalisé sur les violences externes aux services d’urgence pour vous donner quelques clés pour les repérer et pour agir.
Tout d’abord, un constat. Le constat général est le suivant, c’est que la violence externe est un phénomène en augmentation. En France, on est passé de 16 % en 2003 à 22 % en 2010, quels que soient les secteurs. La Fondation européenne de Dublin de 2010 a confirmé des taux élevés. Et vous pouvez voir au niveau des résultats qu’on a des taux qui sont assez équivalents à la moyenne de l’Europe. Donc 14 % des salariés français qui déclarent avoir subi des violences verbales, les menaces ou les comportements humiliants, également des personnes qui déclarent vivre des tensions.
Alors, des chiffres un peu plus récents. Le rapport, par exemple, 2020 de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (l’ONVS) montre un nombre toujours plus grand d’incidents qui sont déclarés. C’est des déclarations volontaires pour les établissements qui peuvent signaler justement les incidents. Donc, ils ne sont pas complètement représentatifs à 100 %, mais ils donnent quand même une idée de l’évolution entre notamment 2016, avec aussi différents chiffres selon les années, jusqu’en 2019. Mais il y a aussi des enquêtes qui sont faites annuellement.
D’autres chiffres aussi sur la violence, mais cette fois-ci en hôpital. 81 % des signalements recensés par l’ONVS en 2019 concernent des atteintes aux personnes, 16 % des déclarations concernent les services d’urgence. Les personnels de santé sont les principales victimes, 82 %. Les auteurs sont pour 70 % des patients. Et le motif le plus relaté est le reproche relatif à la prise en charge du patient et puis le temps d’attente. La gestion des cas est le plus souvent traitée par l’intervention de personnels hospitaliers, mais aussi des personnels de sécurité.
Une définition. La violence externe, d’après l’agence de Bilbao, concerne les insultes, les menaces, agressions physiques et/ou psychologiques exercées contre une personne sur son lieu de travail par des personnes extérieures à l’entreprise, qui mettent en péril sa santé, sa sécurité ou son bien-être. Différents formes et niveaux de violence externe existent. On parle de violences dites de prédation, des actes de destruction ou de dégradation, agression physique, agression verbale, incivilité. Vous voyez qu’il y a des niveaux de gravité qui peuvent être différents, mais qui rentrent dans ce que l’on appelle les violences externes.
Un constat social. Le contexte social d’extension des incivilités et des violences, ce contexte, il n’est pas spécifique au monde de la santé, mais celui-ci n’échappe pas à ce fait de société, comme toute profession rendant un service. C’est notamment lié à l’intolérance à la frustration, l’impatience, le contexte culturel de plus en plus individualiste, de la satisfaction immédiate du « j’y ai droit, etc. », des réactions aggravées par l’emprise de l’alcool, de médicaments, de produits stupéfiants, etc. Mais les auteurs de violences ne sont pas que des personnes aux comportements délinquants ou dans un état second, ils sont aussi n’importe quel citoyen parfois inquiet, anxieux ou souffrant.
Les conséquences. Ce sont des atteintes pour les victimes, des atteintes à la fois physiques et/ou psychologiques, avec des réactions immédiates ou des sidérations psychiques ou un état d’agitation, une fausse sérénité, un état de stress post-traumatique, pour vous donner quelques atteintes psychologiques.
Conséquences pour les organisations. Ça peut être un absentéisme avec des taux qui sont élevés, qui sont en hausse, une image sociale qui est atteinte, un climat social dégradé et puis la mise en cause possible des responsabilités pénales et/ou civiles.
Les mesures de prévention. Donc, il y a plusieurs mesures de prévention qui ont été identifiées, certaines ont fait l’objet de publications dans la littérature scientifique, dans la presse, dans les revues, avec des exemples de bonnes pratiques aussi, etc., pour sélectionner quelles mesures appliquer ? Un modèle d’analyse et d’intervention est proposé ici – je vais vous le présenter – ainsi qu’un graphe d’aide à la hiérarchisation des mesures pour essayer, en tant qu’aide à la décision, de savoir quelles mesures mettre en place, quelles mesures de prévention, quelles actions de prévention mettre en place ? Je vais vous donner quelques exemples. Donc, c’est basé sur l’extension – oui, c’est ça – de modèles existants.
Un modèle a été proposé par des collègues de l’INRS, Marc Favaro et Jacques Marc. Et je vais m’appuyer sur ce modèle-là pour vous présenter et pour vous proposer un graphe d’aide à la décision. Un modèle de recherche et d’intervention qui formalise les dynamiques organisationnelles de formation des violences et qui vise à analyser les situations de violence, à agir en prévention et accompagner les missions des professionnels de la prévention.
Ce modèle, il est le suivant. On a donc un niveau qui est macro, un niveau maison et un niveau micro. Donc, c’est l’idée qu’on part de quelque chose qui va être plutôt macro, avec des perturbateurs organisationnels qui vont amener une instabilité des règles internes à l’établissement qui peuvent amener à des conflits interpersonnels, à des dérives de fonctionnement. Et ça peut aussi amener à un mal-être organisationnel. On voit apparaître des comportements déviants, donc là au niveau des individus, mais aussi des violences qu’on appelle organisationnelles et puis aussi des violences sociales.
Alors, pour vous donner quelques exemples, voici une illustration dans le cas des urgences. Vous voyez que les perturbateurs organisationnels, ils peuvent être à la fois externes et internes. Donc, c’est par exemple de multiples réformes qui se succèdent, une logique gestionnaire, plus de précarité et réduction budgétaire. Pour les perturbateurs organisationnels internes, ça peut être des priorités qui sont changeantes, une amplitude horaire qui a été citée ce matin, l’effectif réduit, etc. L’instabilité des règles, ça peut être des règles de procédures qui sont mal maîtrisées, des règles de gestion qui sont confuses, des règles de métiers qui sont dévoyées, des règles formelles insuffisantes avec des conflits interpersonnels qui peuvent être des désaccords, des rivalités, dénigrements, etc., des dérives de fonctionnement au niveau des missions de l’activité de management de relations. Et puis, un mal-être organisationnel avec un sentiment d’injustice qui peut émerger, un sentiment d’isolement, une solitude, des frustrations, de la peur, un sentiment d’insécurité, etc. Et puis, des comportements déviants avec des violations de procédures (des dissimulations, dégradations), une violence organisationnelle (des humiliations, des exclusions, des coups, agressions, persécutions) et violence sociale avec des agressions directes et inverses (incivilité, menaces, insultes). En fait, vous voyez que c’est un peu le principe de l’arbre des causes. Enfin, c’est très inspiré de l’arbre des causes, avec des flèches dans différents sens.
Une fois que je vous présente ceci, j’avais envie de vous présenter aussi un graphe qui prend en compte différentes dimensions et qui va essayer de placer des actions de prévention, des mesures de prévention, sur ce graphe.
Nous avons donc la prévention qui est primaire, secondaire, tertiaire. Un axe aussi qui est à la fois sur le niveau organisationnel, managérial, comportemental et matériel. Et on tient compte aussi du niveau collectif ou individuel de la mesure de prévention, est-ce qu’elle va s’intéresser à l’individu ou au contraire à un groupe ? Et puis, on va prendre aussi le moment de survenue de l’agression.
Avec ce graphe, on peut essayer de placer des exemples. Donc, je vais vous en montrer un certain nombre qui ont été tirés de la littérature, de la presse, des travaux scientifiques et des retours d’expériences que l’on a pour voir un certain nombre de choses. Et vous avez un article aussi que vous pouvez retrouver dans la revue de l’INRS Hygiène et sécurité du travail que vous pouvez reprendre. Vous aurez aussi les diaporamas – si cela vous intéresse – pour voir plus précisément quel type d’action ou de prévention on peut voir apparaître. L’idée étant d’essayer de repérer si un établissement met en place ou veut développer des mesures de prévention contre les violences externes, de voir à quel niveau ils se placent. Est-ce que ce sont des actions qui sont plutôt de l’ordre de la prévention primaire et du niveau organisationnel ou est-ce que c’est plutôt au niveau managérial ou plutôt des actions très pratico-pratiques qui vont être liées au matériel ? Est-ce que ce sont des actions qui sont plutôt en réaction à un accident, en tout cas à une agression plutôt, à un cas de violence externe ou est-ce que c’est plutôt en amont ? Et on a donc différents niveaux. Est-ce que c’est plutôt l’individu ou le collectif ?
Je vais vous donner juste quelques exemples. Il y a effectivement beaucoup de différences entre des établissements. Certains établissements considèrent que c’est important que la personne qui arrive en service d’urgence soit prise en charge. Et quand elle est prise en charge, elle peut être amenée dans une pièce ou dans un sas qui est fermé. Et puis, en fonction du processus de prise en charge, la personne peut se déplacer et être prise en charge dans une autre salle, puis dans une autre salle, etc., avec un processus de ce type. D’autres établissements ont considéré qu’il est important qu’il y ait une visibilité et que la personne qui arrive aux urgences, elle a accès à une visibilité puisque tout est vitré et elle voit intervenir les soignants et elle voit les différentes personnes prises en charge. Donc, tout est visible pour justement que la personne se dise : « oui, il y a bien une prise en charge qui est là, on voit des soignants qui se déplacent, qui agissent, etc. »
Donc, vous voyez que les actions sont très différentes. Il y a certains hôpitaux qui mettent en place des services de police au sein des services d’urgence. Il y en a d’autres qui considèrent que la sanction en tant que telle n’est pas à mettre en place. Donc, tout dépend de la politique aussi de l’établissement au niveau de la prévention.
Juste aussi un exemple. On a aussi des différences culturelles. Je pense au Canada, qui depuis très longtemps a équipé les soignants de taser. En France, ce n’est pas tout à fait le cas, ce n’est pas très bien accepté. On n’a pas cette adhésion à certaines mesures de prévention de ce type. En même temps, l’actualité nous montre des choses. L’actualité très récente nous montre que c’est vraiment une réalité. Et on entend de plus en plus aussi parler dans la presse, notamment de mesures de prévention qui sont plus répressives, plutôt dans la sanction. Donc, voyez que l’idée, c’est d’avoir différents types d’actions de prévention, de mesures de prévention, tout en sachant, si on couvre tous les éléments, tous ces niveaux dans la prévention.
Au niveau de l’INRS existent plusieurs types de prévention des violences, notamment pour les services d’urgence à l’hôpital. On a pu voir un triple niveau, primaire, secondaire, tertiaire, avec un continuum entre des actions qui sont plus collectives ou individuelles entre l’organisationnel jusqu’au matériel. Ce qu’on va privilégier à l’INRS, c’est plutôt la prévention primaire et organisationnelle et collective. Mais on sait que des actions d’un autre niveau – même matériel ou comportemental – sont importantes aussi. L’idée, c’est de tenir compte du moment de la survenue aussi de l’agression et de prendre ce graphe qui est un outil d’aide à la décision, étant donné que le but, c’est d’aider à mettre en place ou développer, continuer de développer une démarche de prévention la plus intégrative possible. C’est l’idée d’avoir différents niveaux dans les actions de prévention et les mesures qui sont prises en essayant de veiller à avoir quelque chose de très intégratif en prenant en compte l’ensemble des acteurs et, si possible, d’avoir quelque chose qui est plus en amont possible, mais aussi en réaction à des situations. Je vous remercie pour votre attention.

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Merci. J’invite le docteur Limoges, médecin du travail au sein d’AMETIF, qui va nous parler du parcours de maintien en emploi d’une infirmière diplômée d’État.

Fanny Limoges – Médecin du travail – AMETIF

Bonjour. Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’invitation. Aujourd’hui, je viens pour vous présenter un cas clinique pour illustrer le maintien en emploi d’un professionnel de santé.
Alors, pourquoi j’ai choisi ce cas clinique ? C’est parce qu’il montre tout le parcours qui a débuté en 2017 et qui continue encore aujourd’hui. Et ça montre aussi comment tout au long de ce parcours on a dû adapter à la fois le suivi de la salariée et à la fois son accompagnement médico-social, de l’aide au diagnostic pour au final la maintenir en emploi.
Je vous présente la salariée. En 2017, c’est une femme qui avait 33 ans, mariée, deux enfants, droitière qui avait comme seul antécédent notable une sleeve. Elle avait été vue par mes collègues en 2015 en visite d’embauche en tant qu’infirmière coordinatrice.
L’entreprise, c’est une entreprise privée qui est une clinique de soins de suite et de réadaptation qui prend en charge environ 50 patients et qui est composée d’une équipe médicale qui comprend trois médecins, des kinés, pharmaciens-psychologues, cinq infirmiers et une infirmière coordinatrice, le tout dirigé par une directrice. Il faut noter aussi entre 2017 et aujourd’hui, j’ai rencontré trois directrices. Donc, les choses ont évolué dans le temps et l’accompagnement du coup aussi a évolué.
Le contexte. Moi, je la vois pour la première fois en juin 2017 en visite à la demande de son employeur. Pourquoi ? Au cours de son activité professionnelle, elle a présenté des paresthésies au niveau de la face et des faiblesses musculaires de son hémicorps droit. Suite à ça, elle est passée aux urgences. Elle a fait un scanner cérébral qui n’a rien montré et elle a voulu interrompre sa prise en charge aux urgences et elle a signé une décharge. De ce fait, à son retour au travail – donc, elle n’a pas eu d’arrêt de travail, elle revient au travail – l’employeur inquiet décide de me l’envoyer. Et moi à l’examen, qu’est-ce que je retrouve ? Une salariée qui est extrêmement fatiguée. Et à l’examen clinique, je remarque tout à fait sa faiblesse musculaire de son hémicorps droit ainsi que les paresthésies qu’elle peut ressentir.
De ce fait, je me dis que son état de santé n’est pas compatible avec son maintien en emploi tout de suite et l’oriente vers son médecin traitant avec un courrier pour une poursuite des investigations. Le but de cette orientation pour soins, c’était à la fois d’établir un diagnostic, qu’elle ait une prise en charge adaptée et d’établir un plan d’action derrière.
Donc, la démarche diagnostique a été réalisée très rapidement dans les 10 jours qui ont suivi, avec le médecin traitant qui a demandé la réalisation d’une IRM et le diagnostic de sclérose en plaques a été évoqué. Elle a très vite été réorientée vers un service spécialisé qui a pris en charge sa poussée et qui l’accompagnait dans le cadre du suivi de sa pathologie chronique.
Derrière, moi en tant que médecin du travail, la démarche, c’était d’établir un plan d’action pour son suivi et son maintien en emploi. Ce plan d’action, il commence par le suivi, le suivi en santé au travail. C’est comment l’adapter en fonction à la fois de l’état psychique de la salariée, mais aussi en fonction de sa clinique. Aussi, au cours de ce suivi, c’est quelle prise en charge médico-sociale on va pouvoir lui apporter pour l’accompagner, comment on va pouvoir aménager son poste de travail, le tout pour pouvoir la maintenir en emploi.
Je revois la salariée assez rapidement en juillet 2017 pour faire le point. Elle est en poste, mais elle est toujours fatiguée. Elle a toujours une symptomatologie neurologique. Moi, à ce moment-là, je l’informe à la fois des risques pour sa santé liés à son activité. Parce qu’elle est constamment sollicitée, elle court partout, elle est très fatiguée. Donc, je l’informe de tout ça et je lui dis qu’il serait bien qu’elle retourne vers son médecin traitant pour éventuellement avoir un petit peu de repos et de poursuivre son arrêt. Elle ne veut pas. Elle me dit littéralement : « je ne veux pas lâcher mon équipe ». Elle est investie et pour elle se mettre en arrêt, c’est abandonner les cinq infirmières qu’elle coordonne. Donc, elle me dit : « je vais poser des congés payés ». OK. Je l’informe également sur l’accompagnement social qu’elle pourrait avoir via une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé. Après avoir longuement discuté avec elle, je n’ai pas fait une nouvelle orientation pour soins. Je l’ai laissée au travail, mais j’ai demandé à la revoir assez rapidement. Je l’ai revue en visite à ma demande en novembre 2017 et rien n’avait changé.
Elle est revenue me voir par contre d’elle-même en septembre 2018, en visite de pré-reprise. Et là, elle m’informe qu’elle est en arrêt, qu’elle a fait une poussée assez importante de sa sclérose en plaques en avril 2018, qu’elle a eu une prise en charge thérapeutique qui a changé avec une adaptation de ses traitements. Et elle garde quand même comme séquelle des douleurs neuropathiques de ses membres inférieurs, des troubles de l’équilibre et toujours cette asthénie qui est présente. À l’issue de la visite de pré-reprise, je décide de mettre en place différentes préconisations qu’on va pouvoir voir par la suite.
Concernant la prise en charge sociale initiale. Elle a fait sa demande de reconnaissance en qualité de travailleur handicapé qu’elle a obtenue en 2018. Et dans les préconisations que je voulais pour elle, pour sa reprise du travail, c’était une reprise progressive, notamment à temps partiel thérapeutique.
Pour l’aménagement du poste de travail. À l’issue de la visite de pré-reprise, j’ai envoyé un formulaire à l’employeur et je lui ai demandé un échange pour savoir dans quelle mesure on pouvait adapter le poste de travail de la salariée. Et on a mis aussi en place une étude de poste ergonomique pour savoir comment, techniquement, on pouvait aménager son poste de travail. L’ergonome est allé sur place, a identifié les problématiques et a proposé un aménagement de poste qui a été très vite mis en place avec un cofinancement par l’Agefiph. Et il y a également la psychologue du travail qui est intervenue dans une démarche de coaching ergopsy, si je puis dire. Le but de cette démarche, c’était que la salariée s’autoquestionne sur ses problématiques et sur les aménagements qu’elle pourrait mettre en place sur le plan technique et organisation de travail.
À l’issue de son arrêt, je la vois en visite de reprise en janvier 2019. Elle est toujours symptomatologique, toujours de la fatigue avec des troubles du sommeil aussi qui sont apparus. Après avoir échangé avec l’employeur, il y a un aménagement qui est bien mis en place avec l’ergonomie au poste de travail, le temps partiel thérapeutique qui a été accordé par l’Assurance maladie et par l’employeur. Temps partiel thérapeutique qui a pu être adaptable. Elle a commencé par des demi-journées, soit des journées entières, puis une journée non travaillée en fonction des contraintes de travail, et la continuité de la démarche ergopsy.
Je me suis dit suite à cette visite de reprise : « il va falloir que je la revoie quand même assez rapidement pour faire le point sur savoir comment elle se sent sur sa reprise du travail ». Donc, je la revois en mai 2019. Elle se sent pas trop mal à son poste, puis lui propose une visite trois mois après.
Au cours du temps, sa prise en charge sociale a évolué. C’est-à-dire que le temps partiel thérapeutique qui avait été accordé en janvier 2019 s’est transformé en octobre 2019 par la mise en place d’une invalidité deuxième catégorie, ce qui a permis de maintenir la réduction de son temps de travail.
Dans la continuité de son suivi en santé au travail. En 2020, le Covid est passé par là. Avec les traitements qu’elle avait (immunosuppresseurs), elle a bénéficié d’un isolement, et ce jusqu’en mai 2022. Elle l’a dit elle-même quand je l’ai revue par la suite, elle a été en repos forcé, ce qui lui a fait finalement du bien, vous allez voir par la suite.
Du coup, je la vois en reprise post-isolement en juillet 2022. Et malgré tout le temps qui s’est écoulé entre la mise en place de l’aménagement ergonomique en 2019 et 2022, l’adaptation de poste est restée. Elle bénéficie d’un bureau individuel et l’aménagement par le siège, par les souris et le temps de travail également. Elle ne travaille que trois matinées par semaine. Et elle me dit que ça lui convient, qu’elle se sent bien comme ça.
Et lors d’une visite de nouveau pour faire le point en mars 2023, c’est assez récent. Là, elle me dit : « je me sens bien, je suis contente, je suis en poste, j’ai mon équipe, ils ont embauché un binôme pour m’aider, on se coordonne et ça fonctionne ».
En conclusion, cette démarche, cet exemple, ça montre que tout d’abord on a eu un employeur qui a été acteur du repérage du risque de désinsertion professionnelle, qui nous a rapidement sollicités. Et derrière, toute la pluridisciplinarité qu’on peut avoir en service de santé au travail qui a permis d’accompagner la salariée pour qu’elle puisse être maintenue en emploi et épanouie dans son poste. Je vous remercie.

[1:08:57]

Merci beaucoup.

Fanny Limoges

Merci.

[1:08:59]

Un bel exemple.