Le 28 juin 2023, la Cramif organisait une journée dédiée à la prévention des risques professionnels dans le secteur sanitaire : de nombreux professionnels du secteur hospitalier et des cliniques franciliennes étaient réunis pour échanger ensemble sur les techniques de prévention en milieux de soins.

Andjouza Youssouf – Ingénieur HSE au sein de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie

Bonjour tout le monde. Je me présente : Andjouza Youssouf, ingénieur HSE au sein de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie. Je vais vous présenter notre démarche de prévention des risques TMS. Pour information, on a été ciblés par la Cramif en 2019 pour mettre en place des mesures de prévention par rapport à la thématique TMS. Les membres de la direction ont été formés à la Cramif à piloter la démarche TMS. Il y a eu trois ingénieurs HSE qui ont été formés à la Cramif également sur la thématique « Devenir chargé de prévention des TMS ».

Chaque année, on évalue des postes. Ce sont des postes qui sont ciblés par la médecine du travail, en lien avec les maladies professionnelles et les accidents de travail. Et chaque année, ces études de poste là sont présentées à la commission santé, sécurité et conditions de travail et à la direction ainsi qu’aux managers.
Je vais vous présenter une vidéo d’une étude de poste d’une aide-soignante et on commentera à la suite.

[0:01:45] « Nous avons expliqué à la collaboratrice des capteurs de mouvement pour collecter des données liées aux contraintes posturales. Nous allons décrire les tâches que nous avons analysées.
L’aide-soignante arrive à 7 h et reçoit les armoires de livraison d’instruments médicaux désinfectés de la société de stérilisation. Elle procède au déchargement des bacs allant de 8 à 10 kilos et contrôle les instruments du inaudible [0:02:12] et de l’Institut Curie. Les instruments médicaux doivent être livrés aux différents blocs opératoires via le monte-charge dédié. Pour cela, elle positionne les bacs sur un chariot de manutention. L’aide-soignante effectue la traçabilité des éléments reçus et archive les données. Elle répète cette tâche pour chaque armoire.

Les bacs d’instruments médicaux utilisés dans le bloc opératoire sont envoyés via le monte-charge. L’aide-soignante récupère les bacs et contrôle l’état de la pré-désinfection des instruments et procède à un lavage supplémentaire si nécessaire. Elle range les instruments dans des sachets qui sont directement mis dans les bacs. Elle dépose les bacs dans les armoires de livraison pour acheminement vers les prestataires de stérilisation et procède au contrôle de la checklist opératoire. Elle répète cette tâche pour chaque bac.
Suite à l’étude de poste, on remarque que les membres les plus sollicités sont la nuque, les épaules et les poignets. L’aide-soignante effectue plusieurs rotations horizontales internes des épaules lorsqu’elle procède au déchargement des bacs. Elle effectue plusieurs flexions et rotations gauches de la nuque lorsqu’elle effectue la traçabilité. »

Je stoppe juste. En fait, vous avez bien vu, on fait une analyse des postes selon la méthode Cramif et aussi, on met en place des capteurs qu’on a acquis. Ce sont des capteurs captives qu’on met sur le haut du corps du collaborateur, qui permet de calculer les angles et des contraintes posturales de la personne tout au long de son activité.

« On a mis en place 13 actions TOHE dont six techniques, quatre organisationnelles, deux liées aux facteurs humains et une liée à l’environnement de travail. Le service Travaux a réalisé des travaux d’aménagement et de rénovation du CTDM : réduction inaudible [0:04:17], création de portes et de fenêtres, agrandissement de l’espace de stockage des armoires de inaudible [0:04:21]. Nous avons mis à disposition un surélévateur pour réduire le port de charges lourdes et un écritoire [0:04:28] mobile à hauteur variable. Nous avons mis en place une table à hauteur variable, une chaise réglable en hauteur pour effectuer la traçabilité, et des rehausseurs biaisés pour faciliter le rinçage des instruments médicaux ; le but étant de réduire la fréquence de flexion du bas du dos. Nous avons mis en place des tapis anti-fatigue qui permettent de stimuler la circulation sanguine et de réduire les inconforts liés à la position statique. Nous avons automatisé les deux monte-charges afin d’éviter le maintien du pouce sur le bouton de commande.
Dans le cadre organisationnel, nous avons procédé à l’ordre et au rangement du local et nous avons intégré une marche en avant par la délimitation stricte des zones propres et sales en accord avec l’équipe opérationnelle du inaudible [0:05:17]. En accord avec la taille du bloc, nous avons revu la planification des tâches de l’aide-soignante et le nettoyage des locaux du CTDM et sous-traités aux prestataires intérieurs. Nous avons fourni un gilet de protection du dos qui permet de maintenir une bonne posture au quotidien sans contraindre les mouvements. Et enfin, l’aide-soignante doit participer à la formation PRAP, gestes et postures, déchets chimiques et risque biologique.
»

Suite à l’analyse et à la recherche de solutions, vous voyez les dépenses chiffrées. Comme l’a dit le directeur, on a un budget annuel dans le cadre des TMS. Là, vous pouvez voir le budget qui a été utilisé dans le cadre de l’étude de poste de l’aide-soignante. Donc, on a eu 70 000 € de travaux de rénovation, d’aménagement de poste, comme je vous ai dit sur la vidéo, tout ce qui est en lien avec le second jour parce qu’il y avait une partie qui était en local aveugle. Donc aujourd’hui, c’est un second jour. Au niveau des luminaires, aujourd’hui, on est conforme par rapport à la luminosité ; et toutes les actions techniques, organisationnelles et humaines.

On a eu un entretien avec la journaliste de La Dépêche AFP qui a fait une interview avec l’aide-soignante et la cadre, qui a été relatée sur La Dépêche, sur le travail qu’on a effectué au sein du CTDM. Ce travail-là, c’est en lien avec tous les acteurs de la prévention, comme je vous ai dit ce matin, qui contribuent à la prévention des risques professionnels de l’Institut Curie.

Stéphane Da Silva — Ingénieur conseil, pilote secteur sanitaire et médico-social (SMS) — Cramif

Merci beaucoup. Je vais demander à Monsieur Jean-Philippe Sabathé, responsable du département Prévention des risques professionnels du groupe hospitalier Paris Saint Joseph. Il va nous parler de l’apport des aides techniques et outils d’aide pour prévenir les TMS pour les professionnels de santé.

Jean-Philippe Sabathé – responsable du département Prévention des risques professionnels du groupe hospitalier Paris Saint Joseph

Bonjour à tous. Donc, groupe hospitalier Paris Saint Joseph, un groupe qui regroupe maintenant deux établissements : l’Hôpital Paris Saint Joseph dans le 14e arrondissement et l’Hôpital Marie-Lannelongue au Plessis-Robinson, depuis 2020, avec principalement une activité de chirurgie cardiaque et thoracique, ce qui fait un peu plus de 4 500 personnels maintenant et à peu près, un peu moins de 1 000 lits. On est devenu le premier ESPIC de France.

Alors, si je viens vous voir par rapport à une question qui est assez ouverte, évidemment, partager un peu le retour d’expérience peut-être sur Saint Joseph, mais c’est aussi d’apporter un peu pourquoi on vient aujourd’hui vous voir, je viens vous voir, plus aussi sur une démarche qui s’est construite dans le temps. C’est une démarche qui s’est construite historiquement depuis près de 20 ans maintenant. On a un peu de recul sur ce qu’on fait. Partager et en même temps, avec à chaque fois des acteurs qui ont toujours accompagné le développement de cette démarche — donc, elle n’est pas propre au groupe hospitalier Paris Saint Joseph — historiquement portée par la Cramif depuis 2004 et jusqu’à pratiquement la fin des années 2010. Puis, en même temps, avec d’autres acteurs qui ont été l’association l’OETH, on est un ESPIC, donc c’est notre collecteur pour le champ du handicap, pendant près de quatre ans sur aussi un partenariat ; l’ARS d’Île-de-France pendant aussi près de cinq ans dans le cadre des CLACT (contrats locaux d’amélioration sur les conditions de travail) sur leur campagne à partir de 2012 pour les établissements sanitaire ; l’INRS depuis 2017 et jusqu’à 2021, là, plus pour un partage, en même temps, de pratiques, de connaissances, pour ensuite aussi une intégration dans un dispositif qui a été cité précédemment, qui est le dispositif PRAP, pour en faire une évolution et une intégration, en même temps, d’une démarche qui va vous être présentée.
Donc, c’est pour ça que la réflexion qui va tourner autour des aides techniques n’est pas propre à Saint Joseph, plus un partage avec vous, mais qui est une question en même temps que se posent bon nombre de personnes : outils d’aide, aides techniques, qu’est-ce qu’on en fait ? Et comment les choisir ? Est-ce que c’est utilisé ou pas utilisé ? Est-ce que ça coûte cher ? Est-ce que ça ne coûte pas cher ? Donc, des questions en plus à partager avec vous. Si on estime évidemment que l’outil d’aide ou l’aide technique est indispensable, sans aucun doute, mais en aucun cas suffisant, et c’est souvent un peu un piège que les établissements — et on l’a tous un peu testé — d’apporter comme réponse de prévention : « On va introduire des aides techniques ou des outils d’aide, et puis ça va solutionner nos problèmes de TMS. »
Alors ça, j’ai envie de dire, maintenant le recul, on l’a. Ça ne marche pas. Ça, c’est clair. Ça ne marche pas, en tout cas, pour les soignants dans le champ de la prévention. Et si c’est la seule approche que l’on a en termes de réponse à la prévention, ce n’est pas parce qu’on va introduire des lève-malades, des tapis de glisse ou des verticalisateurs que les TMS chez les soignants vont disparaître. En même temps, c’est partagé dans le monde, globalement. Nous, on le voit, nos résultats ne sont pas bons en termes de sinistralité au niveau France ; au niveau régional, beaucoup plus non plus malheureusement. Mais on va dire que dans le monde non plus, principalement, le retour le plus parlant reste le continent nord-américain, où il y a à peu près une vingtaine d’années, ils avaient pris cette option-là de tout mécaniser dans la relation de soins avec les patients. Et donc dès qu’un patient, en gros, ne pouvait pas faire son déplacement, c’était intégration automatique d’un outil d’aide à la manutention obligatoire porté par l’assureur qui est privé aux États-Unis et qui finançait en même temps l’investissement des outils. Donc pour l’établissement, théoriquement, ça devait être zéro. In fine, ça donne quoi ? Que le secteur d’activité qui produit le plus de TMS à l’heure actuelle sur le continent nord-américain (États-Unis, Canada), c’est le secteur de la santé. Donc, ça n’a absolument pas marché. Et pourquoi ? Parce qu’en fin de compte, les soignants n’ont pas du tout adhéré, évidemment, à l’approche.
Alors on voit que si en même temps c’est nécessaire, ce n’est sûrement pas une finalité. Et puis en même temps, se pose très souvent la question que l’on a dans les formations et on mène des formations depuis plus de 20 ans sur le sujet, donc de bon nombre d’établissements, mais en même temps, certains participants à nos formations qui sont présents aussi dans cette salle, se posent toujours cette question, en fin de compte, et la plus ramenée par les directions de la question de l’utilisation de ces outils. Et je dis bien le mot « utilisation ». Donc on investit, on achète et expliquez-nous pourquoi les soignants, en fin de compte, ne l’utilisent pas. Pourquoi ils restent au fond du couloir à prendre la poussière ? On leur a quand même acheté un super outil. Quand même, ils pourraient en faire un peu quelque chose et pour autant, ils ne le font pas. Et donc, se questionne cette utilisation et en même temps, on se dit : « On met énormément d’argent, on fait de l’investissement et pour autant, il n’y a pas d’adhésion visiblement de la part des soignants à l’utilisation de ces outils. »
Alors, c’est là où si on le reprend un petit peu dans la démarche qui a été travaillée, puis qui a évolué, je vous le dis, depuis près de 20 ans maintenant, de se dire toujours que si on veut avoir cet élément de réponse en termes de prévention des TMS pour l’activité de soins, donc principalement pour les soignants, on est bien toujours sur une double démarche. La démarche de prévention est portée par notre assureur, qui est la Cramif, et bon nombre évidemment d’entre nous, on participe avec la Cramif à cette démarche de prévention ; mais en même temps, si on veut aussi qu’elle ait un écho auprès des personnels de santé, auprès aussi des directions, on ne va pas se le cacher, la démarche de soins est un élément qui doit s’associer obligatoirement.
Donc, ce n’est pas simplement une démarche de prévention, c’est bien aussi une démarche de soin, et elle va être intéressante parce que si on veut que nos soignants qui, globalement, n’ont quand même pas une grande sensibilité à la prévention — c’est un parti un peu intrinsèque de la part des soignants, c’est de ne pas forcément adhérer à des démarches de prévention paradoxalement — par contre, nos soignants sont très friands des démarches de soin et de devoir donner. Et quand ils veulent donner, ils veulent donner aussi aux personnes qui prennent en charge, ils veulent en voir un retour pour ces personnes, leur donner aussi une satisfaction, leur donner un peu de sens, peut-être même aussi à leur métier. Et donc cette partie-là, en fin de compte, est toujours souhaitée.
C’est pour ça que dans l’approche telle qu’on la présente, et si on la présente sous cet angle du soin et de la prévention, et on va mettre plutôt presque le soin en premier, parce qu’on va se rendre compte que dans la construction de cette démarche de soin, on va intégrer complètement la démarche de prévention, c’est-à-dire qu’on va protéger de façon presque intrinsèque les soignants et on va voir comment les protéger.

Les premiers éléments de cette construction, de cette démarche de soin, éléments qui ont été travaillés et construits, qui sont développés dans le temps, ont été déjà une connaissance du déplacement, du déplacement humain, cette fois-ci, sur ce qu’on appelle déplacement spontané, et les éléments qui vont constituer le déplacement spontané. Certains vont me dire : « mais ça, on le connaît. » On connaît, oui, sauf quand on veut les décrire. Et là, dans la littérature, il n’y avait pas grand-chose, la description ne se faisait pas et cette connaissance va apporter la guidance nécessaire pour la réalisation du soin. Et puis en même temps, on va commencer aussi à apporter des éléments pour répondre à la question de départ de savoir à quel moment je vais peut-être devoir intégrer un outil d’aide à l’intégration dans le soin par rapport à cet outil. Alors, les éléments d’évaluation, on va les voir parce que ça va être aussi intéressant. SI j’ai cette connaissance, ça me fait de l’évaluation au niveau des capacités de la personne qui est prise en charge aussi bien physique que cognitive. Et puis là, vous allez me dire : « oui, c’est un peu le béaba », mais c’est-à-dire qu’évidemment, si le patient ou le résident peut contribuer à la réalisation de son déplacement, c’est peut-être bien qu’il le fasse. Et là, on voit que très souvent, les soignants sont un peu on-off, OK ? Donc, c’est soit le patient fait, il fait. Puis, dès qu’il y a quelque chose qui fait qu’il ne peut pas faire son déplacement, on va voir un roulement latéral, un rehaussement, un transfert. En fin de compte, on se rend compte que les patients prennent en totalité à leur charge le déplacement, voire même à plusieurs soignants pour prendre en charge le déplacement.
Alors en même temps, c’est intéressant parce que là souvent, ça aussi, c’est un élément qui est repris dans les services ou dans les EHPAD, par exemple. C’est un peu cette quête de la grille ou de l’évaluation des capacités. Là, on ne va pas être du tout sur un modèle de grille, on va être plutôt sur de l’action. On réalise le déplacement et on fait son déplacement et on en voit quels sont les éléments qui sont réalisables par le résident ou par le patient, et quels sont les éléments de ce déplacement qui sont abolis. Et là va se poser ensuite la question de se dire : « comment je vais prendre en charge les éléments abolis de ces déplacements et donc, pas le déplacement dans sa totalité ». Et c’est là que va se poser évidemment la question de l’intégration, cette fois-ci, des aides techniques et des outils d’aide.

Si on redonne un peu une définition sur les aides techniques à l’autonomie, ce n’est pas toujours évident, c’est souvent d’en prendre le même terme pour ne pas définir exactement les mêmes produits derrière. Donc, les aides techniques à l’autonomie sont bien des aides qui vont contribuer à la réalisation des déplacements par le patient et c’est lui-même qui en assure sa sécurité, contrairement à l’outil d’aide où là, c’est bien le soignant qui a la main sur l’outil et qui assure, par contre, la sécurité du soignant.
Et puis en même temps, à chaque fois que ces outils d’aide compensent les éléments constitutifs du déplacement aboli, ils contribuent à ne pas exposer le personnel à un port de charge délétère pour sa santé. Alors, pourquoi on rajoute le mot « délétère pour sa santé » à « port de charge » ? Parce qu’en fin de compte, on ne voulait pas tomber dans le travers nord-américain, d’aller dire : « on supprime complètement le port de charge ». Donc aux États-Unis, la tolérance c’est zéro gramme, ou c’était zéro gramme. Aussi, les modèles ont évolué pour eux. Là, c’est plutôt de se dire : « voilà, j’ai le droit, par exemple, de prendre une main dans ma main, j’ai le droit de toucher mon patient, j’ai le droit même de porter une partie de son corps du moment que le poids de cette partie du corps ne sera pas délétère pour ma propre santé et là, je le ramène aussi à ma santé à moi » et on sait que malheureusement, nos soignants ne sont pas tous avec des capacités physiques optimum et pour autant, on a besoin d’eux aujourd’hui dans les services.
Et ça, c’est plutôt l’approche qu’on a eue dans la démarche avec OETH qui nous a permis d’être encore plus exigeant et se dire, mais si j’ai des personnels en restriction, voire pour certains peut-être même classés pour le moment en inaptitude, est-ce que pour autant, ils pourraient néanmoins continuer à faire de la manutention de patient sachant que pour les métiers de soin, c’est souvent mis en numéro un comme étant les tâches les plus pénibles, ou celles qui exposent le plus au port de charge. Ce qui est une vérité quand on voit qu’une aide-soignante essaie d’aller porter un patient de 80 kilos dans ses bras. Il n’y a bien que l’aide-soignante qui essaie, il n’y a pas un seul manutentionnaire sur une plateforme logistique qui va essayer de s’amuser à porter un carton de 80 kilos. Nous, par contre, dans la santé ça ne nous gêne pas. L’aide-soignante, elle va essayer. La charge lourde pour une aide-soignante, qu’on se la rappelle, c’est toujours 100 kilos. Jusqu’à 100 kilos, elle ne se pose pas trop de questions, elle essaie. Après 100 kilos, elle dit quand même : « le patient, il est lourd ». On va dire : « oui, soit, c’est vrai ». Alors là, la tolérance, on va la diminuer. On ne va même pas aller chercher les patients lourds, mais on va voir évidemment l’impact que ça peut avoir parce que c’est vrai que des outils d’aide, par exemple, à la manutention sont liés simplement au poids du patient. On prend typiquement un lève-malade. C’est pour les patients lourds et obèses. Les patients lourds et obèses, oui, il y a des patients qui peuvent faire 150 kilos dans un lit et les amener au fauteuil. Est-ce que pour autant, ça ne doit être automatiquement avec un lève-malade ?

Là, en fin de compte, on le saura simplement quand on aura fait cette évaluation de ces capacités pour pouvoir continuer ou se dire en tout cas : « on va justifier l’intégration de cet outil ». Et c’est vrai qu’on voit donc les confusions souvent qu’il peut y avoir dans les outils d’aide à la manutention, par exemple en train, verticalisateur ou un lève-malade. On voit qu’il y a souvent une confusion où je ne sais pas trop bien lequel je devrais utiliser. Et pourquoi ? Parce que dans l’évaluation des capacités et de l’ensemble des éléments qui constituent le déplacement, je n’ai pas « ma réponse ». Et donc, il va falloir l’apporter cette réponse et là, comment on va l’apporter ? Par le biais de la formation, et une formation qui va avoir comme finalité de construire surtout une pratique professionnelle, individuelle et collective parce que là aussi, on sait que dans notre secteur, si on veut les soignants adhèrent dans un service, il n’y a pas qu’une approche individuelle qui est nécessaire, mais c’est bien une approche aussi collective, partagée, comme un vrai projet de soin porté par le service et de se dire : « OK, on y va tous ». Ce qui veut dire aussi en implicite que pour former, il va falloir former tout le monde. Sinon, s’il n’y en a que la moitié ou un petit groupe qui est formé, collectivement, on risque de ne pas forcément adhérer.
Et puis dans la formation, on va avoir cet objectif de l’intégration des outils d’aide, des aides techniques et en complément de la formation à l’utilisation. Là, très souvent, c’est un piège aussi, c’est que quand on introduit un outil d’aide, au regard classique de notre lève-malade, par exemple, le commercial qui fait très bien la démarche d’introduction de cet outil dans le service, va faire en même temps une formation à l’utilisation de l’outil. Et très souvent, c’est un peu le piège pour nous parce qu’on estime que les soignants, c’est suffisant pour qu’ils comprennent le sens de cet outil et comment l’intégrer dans le soin. Et c’est là le piège, c’est que cette formation, elle est bien nécessaire. Oui, je dois savoir utiliser un outil, sinon ça ne marche pas, à quoi servent les boutons, la batterie et ainsi de suite. Donc, j’ai bien un quart d’heure de formation à faire dans le service, comment évidemment l’utiliser, cet outil. Mais par contre, ça ne me dit toujours pas à quel moment et comment je dois l’intégrer dans le soin. Donc je peux être très bon sur, techniquement, comment utiliser l’outil, mais je ne sais toujours pas à quel moment je devrais réellement l’intégrer dans le soin. C’est pour ça que les deux formations sont nécessaires et elles sont en même temps complémentaires.

On va passer par le plan B. Dans les outils d’aide et les aides techniques, un petit peu les incontournables, pour les lister un petit peu, ce sont ceux sur lesquels on fait souvent un focus à la demande des stagiaires ou des directions : le lit médicalisé — et on se rappelle tous que ce n’est pas le lit qu’on a chez soi, on est bien d’accord — et il a trois missions, notre lit, dans un établissement sanitaire ou médico-soc, c’est de dormir. C’est assez basique, mais il faut être sûr qu’on soit à l’horizontale pour dormir. Donc, les lits où on n’est pas garanti de l’horizontal, c’est compliqué parce que le patient ne dormira pas bien. On doit pouvoir se reposer. Donc, notre lit doit offrir dans ses fonctionnalités la possibilité d’avoir une position dite un peu transat, qui ait du vrai confort et ça me permet de me reposer. J’espère que vous en bénéficierez cet été sur la plage, donc choisissez bien votre transat, évitez le transat tout plat parce que celui-là, vous allez voir que ce n’est pas très agréable. Préférez celui où il y a des petites courbures comme dans un lit médicalisé. Et puis la dernière fonction d’un lit médicalisé, c’est de manger. Et là, pour manger, c’est un transat où je vais pouvoir ensuite, par une bascule, amener mon lit en position fauteuil, classiquement, qui est la position avec une proclive. C’est pour ça que là, dans les incontournables, c’est plutôt les choix et les critères de choix en termes de fonctionnalités dans les lits sur lesquels on va pouvoir se poser la question.
Le fauteuil de chambre. Grand questionnement en ce moment de savoir si les fauteuils de chambre contribuent ou pas à se lever et à s’asseoir. Si on regarde le marché, ce qui existe aujourd’hui sur le marché en termes d’équipement, on se rend compte que dans la grande majorité des fauteuils que l’on met à disposition des patients ou des résidents, malheureusement, ils ne respectent pas le déplacement spontané, donc en gros, ne contribuent pas au fait de pouvoir se lever et de s’asseoir, voire même pour certains, on rende impossible le déplacement. Donc là, il y a une vraie question à avoir sur le choix de l’équipement, sur le choix du fauteuil, de dire : « Est-ce que qu’il contribue ou pas à se lever ou à s’asseoir ? » Si ce n’est pas le cas, ça veut dire que pour nous, derrière, ça va être sollicitation d’un temps bonhomme. Le temps bonhomme, ça s’appelle un soignant qui va devoir venir aider, dans ce cas-là, au redressement, le résident ou le patient, et la même chose quand il va vouloir s’asseoir. Le prix de l’aide-soignante, c’est à peu près 50 centimes la minute. Donc, vous imaginez le temps passé par une aide-soignante à faire un soin qui pourrait être fait simplement par le patient lui-même si on lui mettait à disposition un équipement qui lui permettrait de le faire.
Tous les déplacements horizontaux. Là, on est plutôt sur de la surface glissante aujourd’hui, que ça soit dans le lit ou que ça soit sur du coucher-coucher, des draps de glisse. Là aussi, pareil, aujourd’hui sur le marché, il y a quand même pléthore de choix et en même temps, pas tous avec la même qualité, ça c’est clair. On a des draps de glisse qui ne glissent pas. Il faut quand même aussi le savoir. Ça existe, ça se vend. Ce n’est pas forcément les moins chers, en plus. Donc, ne vous fiez surtout pas au prix par rapport à ce sujet-là. Tout ce qui est planches de transfert qui existent aussi, demi-corps, corps entier, qui sont anciens. Et là pareil, attention, ça glisse plus ou moins bien aussi. Et puis un équipement qui avait été introduit par l’ARS en 2012, qui est les matelas gonflables sur coussin d’air, dit dispositif herpal, qui permettent de faire passer des patients soit avec des poids très, très importants parce qu’on peut aller jusqu’à 550 kilos en théorie, parce qu’on n’a quand même pas de patient à ce poids-là pour le moment en France, mais facilement des 200, 250 kilos qu’on peut facilement manipuler dans le cas du déplacement. Et puis aussi sur une autre catégorie de patients qui sont tous les patients très algiques, très douloureux pour éviter qu’ils aient mal parce que là, on les amène sur un confort du coussin d’air et non plus forcément de la planche qui est un petit peu dure et qui peut faire mal.
Tous les déplacements avec passage en position debout sans portage. Donc ça, c’est le verticalisateur. On ne se trompe pas sur cet outil. Le verticalisateur, c’est tous les patients qui tiennent debout. Donc, ça veut dire qu’on a été en capacité d’évaluer avant, dans le lit, on est capable de prédire que le patient peut tenir sur ses jambes ou au moins, on est plutôt capable de prédire qu’il risque de ne pas pouvoir tenir sur ses jambes. Aujourd’hui, ce que fait le soignant, il fait plutôt l’inverse. Le soignant, il met le patient debout, puis il voit s’il tient debout. Alors, quand il a de grands doutes, il appelle sa collègue : « Il vient avec moi parce que je ne le sens pas trop bien, donc on va essayer de mettre debout. Si c’est un peu château branlant, on voit si on continue ou si on fait marche-arrière. » Là on se dit, c’est la loterie. La loterie aussi, après, on est encore doublement gagnant parce qu’on a de grandes particularités en France, il faut le savoir, et entre autres, une des particularités purement françaises, c’est quand le patient s’affaisse. L’affaissement brutal du client, comme diraient nos amis québécois, la réaction du soignant français et non pas, cette fois-ci, québécois, c’est qu’il essaie de retenir tous les patients qui sont en train de s’affaisser. Don, il n’y a pas grand- monde dans le monde qui joue à ce petit jeu-là. Il y a principalement les Français. Alors, vous allez me dire : « Les autres, ils font quoi ? » Ils ne laissent pas tomber les patients non plus. On est d’accord, ce n’est pas la consigne que je vous transmets. Mais on va accompagner le patient dans sa chute pour sécuriser le fait qu’il soit au sol et quand il est arrivé au sol, il ne tombera pas plus bas. Et là, on sait faire et on verra après comment aller le récupérer. Mais on a de grandes particularités françaises et celles-ci, on joue au risque. Donc 90 kilos qui se mettent en mouvement, n’essayez pas de me retenir. En tout cas, accompagnez-moi au sol et ça sera parfait, on arrivera en pleine forme l’un et l’autre.
Ce qui veut dire qu’évidemment, ça, si je ne connais pas le test à réaliser dans le lit préalablement, nos soignants, pour le moment, ne savent pas faire cette évaluation. Donc, ils sont incapables de savoir si, en gros, ils doivent utiliser ou intégrer un lève-personne ou un verticalisateur. Alors, le verticalisateur dans ce cas-là, il sert à quoi ? Il sert simplement à sécuriser le déplacement. C’est de façon prédictive. Le patient peut soutenir le poids de son corps sur ses jambes, mais à tout moment, il peut s’affaisser dans son déplacement. Et là, pour sécuriser son déplacement, si ça s’affaisse, c’est le verticalisateur qui va récupérer la chute. Donc, c’est très précis. C’est l’outil qui est vraiment l’un des plus compliqués à intégrer dans le soin pour des soignants parce que ça nécessite de faire énormément d’évaluations avant son utilisation. Et là, je dis bien le mot « utilisation » parce que souvent, il n’est utilisé que comme ça, voire confondu avec un lève-personne.
Et là, le lève-personne, sa porte d’entrée, ce n’est pas le patient grabataire, en surpoids, l’obèse ou ainsi de suite ; c’est tous les patients dont on sait de façon prédictive parce qu’on a fait une évaluation dans le lit, dont on sait qu’ils ne tiendront pas et qu’ils ne soutiendront pas le poids de leur corps sur leurs jambes. Ça peut être, en gros, monsieur Tout-le-Monde dans son lit, qui est capable de se tourner dans son lit, qui est capable peut-être de se rehausser même dans son lit, mais par contre, qui n’est pas capable de soutenir le poids de son corps sur ses jambes. Là, ça veut dire intégration d’un outil qui va s’appeler le lève-malade. Ce qui n’est pas dans la représentation très souvent de nos soignants quand on a une vision, je vous dis, qui est plutôt grabataire et les obèses. À part ceux-là, personne ne doit aller dans des lève-personnes. Et donc non, la réponse ne se fait pas à ce niveau-là.
Ce qui veut dire que là aussi, ça questionne par rapport à ces outils parce que c’est vrai qu’il en faut pas mal, différents types et puis pourquoi ? Parce qu’on voit que par rapport à un même rehaussement, je peux être amené à utiliser soit des aides techniques, soit des outils d’aide qui peuvent être différents. Je prends le rehaussement dans le lit, par exemple, je peux utiliser une potence dans le lit. C’est le truc que, généralement, personne ne sait à quoi ça sert. Je vous rassure, ils ne savent pas.

Petit retour d’expérience, sur 4 500 stagiaires qui sont passés à peu près dans notre centre source, on est peut-être presque 5 000 maintenant, jusqu’à présent, on a rencontré une stagiaire qui connaissait les trois points de réglage d’une poignée de traction — il y en a déjà trois, pour votre information — et qui, en même temps, était capable de nous dire ce que permettait de substituer cette poignée de traction, dans quel élément aboli, dans le cadre de quel déplacement. Le déplacement, je vous aide, c’est le rehaussement dans le lit. Par contre, quel est l’élément aboli de ce déplacement qui va justifier l’intégration d’une potence ? Pas dans la potence de se pendre. Donc, un petit élément pour savoir si vos soignants, par exemple, maîtrisent ou pas le sujet. Vous passez dans un service, vous regardez simplement au niveau des chambres pour ceux qui ont une potence et une poignée de traction. Si vous voyez la poignée de traction à l’extrémité du cadre de la potence, voire même, des fois, des concepteurs qui vous mettent deux butées histoire de bien dire que c’est au bout, ceux qui ne savent pas du tout, celle-là, enlevez le cadre, enlevez la potence, enlevez tout, vous ferez des économies ; ou alors, carrément d’enrouler au-dessus. Comme ça, au moins, c’est pratique, on n’ira pas les chercher. Ce qui montre en même temps qu’attention, ce n’est pas que le soignant n’a pas envie, c’est qu’il n’en a pas la connaissance, et que la connaissance ne lui est pas transmise. Dès que la connaissance lui est transmise, évidemment tout de suite, il réagit différemment.
Voilà, donc là, je vous l’ai remis un petit peu sur différents soins de manutention ou déplacement qui sont réalisés. C’est-à-dire qu’attention, à chaque fois, il peut y avoir nécessité pour vous d’avoir à disposition plusieurs aides techniques. Une planche de transfert, c’est bien une aide technique pour le transfert du lit au fauteuil, mais en même temps, pour le même déplacement, je pourrais avoir besoin d’un verticalisateur ou d’un lève-malade ou en fonction de ces différents choix. Pareil, ne pas attribuer un outil à un type de déplacement. Il faut garder en tête qu’un outil ou une aide technique peut contribuer dans plusieurs types de déplacements.

Les facteurs de réussite sur l’intégration des aides techniques et des outils d’aide. Alors évidemment, il y a le choix du produit parce que sur le marché, on est quand même inondé dans les produits. Tous ne se valent pas, ça, c’est clair. Sans aucun doute, un peu une demande qui est récurrente, mais aussi bien de l’institution prévention que des établissements, ça serait aussi d’avoir, malgré la tentative de plusieurs guides qui ont été faits, entre autres par la Cramif, qui permettent déjà d’éclairer, mais ce serait de se dire : « éclairez-nous un petit peu dans ce marché qui est très conséquent », de se dire : vers quel type d’outils aller parce qu’il y en a, objectivement aussi, attention, qui sont dangereux. Vous avez des lève-malades, des verticalisateurs, entre autres, pour ne parler que d’eux par exemple, vous les oubliez, surtout. Là, on fait une grande prise de risque dans l’évaluation des risques. Ceux-là, on peut les mettre en rouge tout de suite parce qu’on sait qu’au contraire, ils vont produire des incidents, des événements graves, voire très graves, dans la prise en charge de nos patients ou pour les soignants qui vont les manipuler.
La quantité des dispositifs, pareil, on investit dans un drap de glisse, par exemple, dans un service. C’est sûr que si le drap de glisse, on le trouve dans le chariot de soin de l’aide-soignante et qu’il sert à 25 patients, là, je peux vous dire qu’il servira à zéro, vous oubliez. C’est-à-dire qu’il y a quand même, à un moment donné, des quantités à devoir un peu respecter. On parle, par exemple, pour les surfaces glissantes, quand on estime que ça fait partie de la prise en charge du patient, de lui mettre à disposition une surface glissante pour son déplacement. Cette fois-ci, c’est bien un dispositif qui est lié à un patient pendant la durée de sa prise en charge et donc, il reste bien dans sa chambre. Si malheureusement, j’ai 30 lits et qu’il y a 30 patients qui en ont besoin, c’est que j’ai au moins un stock de 30 tapis. Sinon, c’est-à-dire qu’il est clair que ça ne soit pas respecté, voire c’est des infections derrière, donc c’est un petit peu compliqué.
Les formations à l’ensemble du personnel. C’est bien 100 % de notre personnel qui doit être formé. C’est vrai que pareil, si on n’en forme pas la totalité, vous pouvez être sûr qu’à un moment donné, les pratiques existantes vont perdurer et dans les pratiques existantes, qu’est-ce que l’on retrouve aujourd’hui comme démarche dominante ? Ça reste des formations dites de type gestes et postures à comment apprendre à porter un patient. Malheureusement, c’est encore ce qui est enseigné en grande partie dans les formations initiales. Là, toute la démarche au contraire, c’est de se dire : « Aujourd’hui, oui, on est capable de faire de la manutention de patient sans aucune exposition à du port de charge. » Là, ce n’est pas un rêve, ce n’est pas un mythe, c’est une réalité et ça peut se faire aujourd’hui, repris en même temps par l’INRS dans les formations PRAP 2 S, aujourd’hui avec la mention ALM (accompagner à la mobilité). Donc, on est capable aujourd’hui de faire de la manutention de patients sans exposition au port de charge. Ça nous simplifie le document unique, ça veut dire qu’il n’y a pas de risque. On parlait de comment supprimer le danger, dans la manutention de patients, le danger c’est le patient. Donc on va essayer de ne pas le supprimer tout de suite, on en a encore un peu besoin quand même. Le résident, on a envie de garder un peu nos parents et grands-parents, donc non, pas vraiment. Par contre, on est capable aujourd’hui de ne pas exposer le soignant. Et ça, il faut en partir avec une vraie certitude. C’est qu’aujourd’hui, la démarche permet réellement de pouvoir faire la manutention sans exposition.
L’accompagnement des professionnels et des bénéficiaires par une personne-ressource experte, et on aurait envie de dire même presque interne, c’est des démarches qui sont classiquement proposées, entre autres, par l’INRS. C’est bien d’avoir cette compétence en interne que l’on forme pour aller évidemment dans un axe de formation, mais là pareil, la formation, comme pour l’outil, ça ne fait pas la finalité. Il y a aussi tout cet accompagnement à faire au quotidien dans les prises en charge auprès directement des personnels. Ce qui veut dire qu’aussi, on va redonner ce fameux sens, cette quête de sens qu’on redonne — et aujourd’hui, on l’a à toutes les sauces — et on va dire que oui, ça nous va bien en même temps de se dire que la manutention des patients, c’est plus véhiculé comme étant le docker au port du Havre, même si j’ai beaucoup de respect pour les dockers au port du Havre, bien évidemment, mais que les soignants peuvent aussi faire de la manutention, cette fois-ci, dans le cadre d’un soin. On rappelle que c’est les bases du soin infirmier, même le quatrième des principes de Virginia Henderson, c’était se mobiliser. Et déjà, il y a plus d’un siècle et demi, elle disait que la manutention, ce n’était pas obligé de se faire en portant les patients. Là aussi, ça doit être pris en compte. Et quand on présente cette approche auprès des personnels dans un établissement de santé, tout de suite, leur regard change et la manutention, classiquement, on essaie de fuir. L’infirmière, si elle peut la donner à l’aide-soignante, on est content. Si l’aide-soignante peut redonner ça, en plus, à l’étudiant-là qui vient faire un stage : « comme ça, tu apprendras ». Il apprendra surtout à avoir très mal au dos à la fin de son stage. Là, cette fois-ci, je reprends à mon compte cette tâche.

Et alors, les freins et les croyances, pour les soignants, on va dire que le premier frein, classiquement, ça va être le temps. La question de l’outil d’aide, quand il n’est pas utilisé, quand on demande à un soignant : « Pourquoi tu ne l’utilises pas ? – Je n’ai pas le temps. » Alors, le « je n’ai pas le temps », ils ont le temps. Un soignant a toujours le temps du soin. Ça, il n’y a pas de souci. L’infirmière prend toujours le temps nécessaire pour faire votre prise de sang. L’aide-soignante prend toujours le temps nécessaire pour faire la toilette d’un patient. Si on le remet dans la dimension du soin, un soignant a toujours le temps de son soin. Et là-dessus, il ne compte pas en temps. Ce qui veut dire une chose, c’est-à-dire que là, s’il vous dit qu’il n’a pas le temps, c’est que cette manutention, il ne la voit pas comme un soin. Il la voit comme une tâche pénible que je n’ai pas envie de faire et que j’essaie de coller à d’autres. « Donc, je n’ai pas le temps. Non, moi, je dis que je n’ai pas le temps. Tu n’as qu’à le faire. Si tu me dis que j’ai le temps, tu n’as qu’à le faire, mais moi, je n’ai pas le temps. » Donc, on voit que la notion du temps, dès que vous la remettez dans une dimension du soin, les stagiaires ici présents, c’est souvent une question tout de suite qu’ils mettent en avant ou qu’ils nous renvoient. C’est « on n’a pas le temps, on n’a pas le temps ». À la fin de la formation, généralement la question du temps, elle a disparu. Si elle disparaît pour vos soignants, ça veut dire que oui, on est rentré dans la dimension du soin. Donc celui-ci, il disparaît.
Dans les freins et les croyances, pareil, il y a le financement parce que si le soignant dit qu’il n’a pas le temps, généralement, les soignants nous disent que les directions répondent qu’ils n’ont pas d’argent. Et là, je fais la même réponse : les directions ont toujours de l’argent. Il faut juste choisir dans quel projet j’ai envie d’investir. Et là, ce qu’on dit à nos personnes-ressources, référents prévention ou autres dans les établissements, ou conseillers prévention, ou carrément des responsables prévention, c’est de dire maintenant, comment je vais arriver à convaincre, cette fois-ci, ma direction de l’intérêt à investir dans cette démarche. Et il faut que tout le monde soit gagnant dans l’affaire. Et quand on dit que tout le monde soit gagnant, on peut le montrer dans cette démarche. On en voit un vrai bénéfice pour la personne qui est prise en charge. Ça, aujourd’hui, c’est plutôt bien de montrer quand tu es en EHPAD, qu’on est respectueux du résident. Ça évite de passer aux 20 heures le soir. Donc généralement, ils accrochent assez facilement parce qu’en même temps, c’est quelque chose de concret, quelque chose qu’ils vont pouvoir tester, c’est quelque chose de visible pour eux. Et donc, là-dessus, ils adhèrent assez vite et comprennent vite le bénéfice qu’ils peuvent en avoir.
Si, en plus, on leur rajoute que pour les soignants, il n’y a pas d’impact en termes de risque pro, que voire peut-être que l’aide-soignante qui se plaint tout le temps qu’elle a mal au dos parce que c’est lourd de porter les patients, « pas de souci madame, à partir de demain, vous pouvez refaire de la manutention ». Souvent, un peu dans la symbolique, on utilise deux doigts. C’était la demande de OETH, l’association OETH (Organisation Emploi sur les Travailleurs Handicapés). C’est-à-dire que si on ne pouvait faire de la manutention qu’avec la force de deux doigts, ça nous irait bien. Pour ceux qui ont suivi la formation que l’on dispense, vous verrez qu’à chaque fois, toute la manutention des patients se fait à la force de deux doigts. Donc, on se dit que deux doigts, ça doit être acceptable. Là, vous avez mal au dos, vous avez encore deux doigts. Peut-être demain, même si ça fait quatre doigts, vous allez pouvoir, dans ce cas-là, faire de la manutention de patients sans vous exposer.
Certains ont peut-être un doute, mais dans la formation de 13 jours que l’on fait, très souvent, on a eu des stagiaires parce que oui, il n’y a pas de prérequis, il n’y a pas de certificat médical de demander. Et cette formation, pour moitié probablement, n’est construite que sur de la pratique. Donc là, ce n’est pas un truc où on est assis, on regarde des diaporamas, on est sur de la pratique et on fait de la manutention. Par contre, on ne demande pas de prérequis en termes d’évaluation de l’état de santé du participant. Et donc, il y a des participants qui sont arrivés avec des restrictions fortes, voire des situations de handicap et qui ne l’ont pas dit. Ils ont dit : « on a attendu jusqu’au 13ème jour parce qu’on était sûrs que durant les 13 jours, vous alliez, à un moment donné, faire en sorte qu’on aille se retrouver bloqués, dans l’impossibilité de faire ce que vous allez demander parce que physiquement, on ne peut pas le faire, et donc, on a attendu ». Certains nous l’ont dit au tout début de la formation, d’autres ont attendu le 13ème jour. Et là, ça a été de se dire : « OK, on a pu le faire ».
Et en dernier exemple, pour finir, il y a une étudiante aide-soignante quand on faisait les formations initiales, qui a validé l’ex dit « module 4 », il n’y a pas si longtemps que ça, pour les aides-soignantes. Elle vient nous voir à la fin de la formation, à la fin de la semaine, elle a validé sa formation. Elle vient nous voir et nous remercie en tant que formateurs. Elle dit : « je vous remercie, je pensais que vous alliez me récuser en début de semaine ». On a loupé quelque chose. « Pourquoi on aurait dû vous récuser ? » Elle me dit : « vu mon état ». « On a loupé quelque chose, qu’est-ce qu’on a loupé ? » Puis elle baisse la tête, puis on regarde. Oui, ça se voyait un peu quand même, un peu beaucoup. Elle était à plus de six mois, près de sept mois de grossesse, elle dit : « j’étais persuadée » parce que là, c’était de la pratique, le module 4 aide-soignante, c’est le module dit ergonomie. En gros, c’est de la manutention de personnes. Elle dit : « j’étais persuadée qu’évidemment, je n’allais pas pouvoir faire, que vous alliez me dire : "stop, vous êtes enceinte, vous ne pouvez faire" », ce qui est souvent pris comme cause, peut-être, pour certaines personnes et les personnels soignants d’être arrêtés des fois pour des raisons médicales et tout à fait justifiées, bien évidemment. Mais en tout cas, la grossesse aussi peut permettre de continuer, en fin de compte, à travailler et ce qui a été le cas montré par cette étudiante.

Je vois que Stéphane s’est levé, donc…